« La dette émergente est aujourd’hui clairement recherchée par les investisseurs »
Entretien avec Xavier Hovasse, responsable actions émergentes chez Carmignac.

Quelles tendances pour les marchés émergents depuis le début de l’année ?
Xavier Hovasse : La dette émergente est aujourd’hui clairement recherchée par les investisseurs. Elle affiche en effet des fondamentaux solides et un rendement attractif par rapport au risque pris : +10,3 % pour les emprunts chiliens, + 6% pour les emprunts mexicains …La principale raison réside dans l’orthodoxie budgétaire et monétaire qui a été conservée par les pays émergents même pendant la pandémie. A l’inverse, les pays développés ont sorti la planche à billet pour faire face notamment au Covid 19. Les marchés émergents ne peuvent quant à eux pas compter sur la complaisance des marchés pour être financés. Par le passé, certains pays, comme l’Amérique latine ont connu des défauts de paiement avec un niveau de dette sur PIB très modéré (en dessous de 50% alors même que ce ratio pour la France dépasse déjà 110%). Cela les a conduits à se montrer plus vertueux. Autre facteur de soutien des pays émergents : l’affaiblissement récente du dollar. Enfin, les dettes des pays de l’Est, comme celles de la Hongrie ou de la Roumanie, délaissées au démarrage de la guerre en Ukraine, enregistrent aujourd’hui un important rattrapage.
La réouverture récente du marchés chinois a aussi donné un nouvel élan pour les actions émergentes ? Le rebond va-t-il se poursuivre ?
X. H. : En octobre dernier, le MSCI China a connu son point le plus bas depuis trente ans ! Après le Congrès du parti communiste, les investisseurs se montraient peu confiants pour les marchés chinois. Mais un tournant s’est opéré en novembre dernier où Xi Jinping a créé la surprise, en mettant fin à sa politique zéro covid menée depuis le début de la pandémie. Il s’agit d’un changement de cap complet. Le variant actuellement en Chine, très contagieux mais in fine moins mortel, devrait permettre aux Chinois d’atteindre dès le début du mois de mars l’immunité collective. Cela signifie une reprise globale de cette économie qui va favoriser aussi ses voisins en Asie ou encore les pays exportateurs de matières premières vers la Chine, notamment en Amérique Latine.
Quelle stratégie adoptez-vous désormais dans vos fonds émergents ?
X. H. : Nous sommes encore confiants sur la capacité des actions émergentes à poursuivre leur hausse. Le portefeuille de Carmignac Emergents, qui est composé de moins de 40 valeurs, est actuellement investi majoritairement en Chine, en Corée, à Taiwan ou à Hong Kong. Les valorisations restent très attractives en Asie, et cette zone est aujourd’hui le moteur des pays émergents. Le solde de notre portefeuille, est composée d’actions brésiliennes ou encore mexicaines. Nous apprécions moins les actions indiennes en ce moment, qui sont beaucoup plus chers. Pour des investisseurs ayant moins d’appétence pour le risque, un fonds de dette émergente est aussi adapté aujourd’hui pour investir sur les émergents.
Quels sont les risques que vous surveillez attentivement ?
X. H. : Jusqu’à récemment, le risque monétaire était scruté de près. Si la Fed aux Etats-Unis augmente trop largement ses taux, cela rend les emprunts émergents bien moins compétitifs. Or ce scénario semble clairement s’éloigner. Désormais, le risque géopolitique reste la principale inconnue. Les récentes tensions entre la Chine et les Etats-Unis, avec la découverte d’un ballon espion sur le territoire américain, en sont la parfaite illustration. Les stratégies politiques mises en œuvre sont souvent moins lisibles et les gouvernants en place moins stables. Investir dans les marchés émergents nécessite aussi une plus grande vigilance sur la gouvernance des sociétés ou Etats en portefeuille. La fraude ou la corruption sont encore monnaie courante, comme le prouve la débâcle boursière début février du conglomérat du milliardaire indien Gautam Adani.