Avec les gilets jaunes, la Bourse de Paris peut-elle voir rouge ?
Les séquelles des blocages et violences causées par les débordements du mouvement des gilets jaunes auront des conséquences fâcheuses pour de nombreuses entreprises cotées.
Il y a quinze ans, un ministre des finances pestait contre les mouvements sociaux dont la France est coutumière : Francis Mer estimait le coût des grèves et blocages contre la réforme des retraites à 0,1 % de PIB. Après seulement trois semaines d’actions du mouvement des gilets jaunes, ce montant devrait être dépassé. Déjà, l’annulation des hausses des tarif d’électricité (ce qui ne facilitera pas le financement de la charge de la dette d’EDF) et de la fiscalité des carburants devrait amputer de quatre milliards les recettes de l’Etat. Soit 0,2 % du PIB selon les calculs de Philippe Escale, un magistrat de la Cour des Comptes. Le déficit 2019, prévu à 2,8 %, franchira le seuil fatidique des 3 %. Et ce, avec un scénario construit sur une croissance de 1,7 % l’an prochain. A revoir forcément à la baisse.
Des revenus en moins pour les hypermarchés
Car ces samedis de braises plombent la vie des entreprises, de leurs salariés, clients et fournisseurs. En particulier dans la distribution, dont le numéro un français Carrefour à vu son cours plonger de 6 %. Pourtant, selon un sondage Opinionway-Profisem, les Français s’adaptent à la situation : 56 % d’entre eux basculent leurs achats vers les sites de commerce en ligne. Ce qui, à première vue, ne signifie pas de perte sèche pour les distributeurs. Sauf qu’il s’agit d’autant de revenus en moins pour les hypermarchés. Or depuis un peu plus de dix ans, ce modèle, ou l’on se rend le week-end pour y « trouver tout sous le même toit », ne cesse de décliner. Les barrages autour d’eux et des plateformes de distribution ont sérieusement perturbés leurs flux d’approvisionnement et de clientèles, entraîné moults retards et ruptures de livraisons, qui à leur tour causeront diverses pertes de stocks. Sans compter les actes de vandalisme et de pillages, estimées pour un seul Casino à Saint-Étienne à 100 000 euros. Ou les pertes d’exploitation dues aux fermetures les samedis des magasins les plus exposés, comme les 75 points de vente parisiens de Fnac-Darty.
21 % des Français modifient ou reportent leurs achats
Autant de lests qui risquent de tirer vers le bas les résultats du secteur. Les éléments suivants livrent une première ébauche des dégâts : la FCD (Fédération du Commerce et de la Distribution) estime la perte de chiffre d’affaires de la distribution généraliste à 30 % le samedi 1er décembre, le Conseil National des Centres Commerciaux avance une baisse de fréquentation de 14 % ce même jour et de 11 % le lendemain. D’où des renouvellements de baux futurs tendus chez les foncières commerciales comme COB Territorial à La Réunion. Davantage, un sondage du 3 décembre indique que 21 % des Français modifient ou reportent leurs achats. Or il s’agit des plus aisés : les inactifs, en particulier les plus de cinquante ans…
Si l’agroalimentaire peut faire une croix sur 13,5 milliards d’euros de vente, selon les chiffres de l’ANIA, Danone, qui réalise près d’un tiers de ces ventes dans les produits laitiers frais, peut compter sur ces relais de croissance étrangers pour compenser le manque à gagner. D’autres valeurs tablent sur un rattrapage avant Noël ou la fin de l’année. Il s’agit de l’automobile, des jouets. Ou du luxe. Qui, comme JC Decaux, présentera une note salée à Axa, Alianz et autres assureurs cotés : huit millions d’euros de recettes perdues pour cause de fermeture des flagships des Champs-Elysées, le 1er décembre dernier, sans compter les coûts du vandalisme partiellement indemnisés.
Il faut aussi prendre en compte la dégradation de l’image de la France, sans les circonstances atténuantes, cette fois-ci, d’une vague d’attentats. Cette fois encore, le tourisme devra encaisser le choc : déjà plus 20 000 nuitées annulées à Paris, soit un recul de 20 à 25 % au moins. Tant pis pour Accor. Et par ricochet pour Air France et Aéroports de Paris, privés de la manne touristique pour de très longs mois. Seul secteur à tirer profit de ces troubles : celui des télévisions et de leurs chaînes d’information en continu : TF1 et BFM TV (Altice Media) ont vu leur audiences s’enflammer…