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Forces et faiblesses de l’assurance vie

L’assurance vie est un placement incontournable pour construire, gérer et transmettre un patrimoine. A condition de bien l’exploiter. Les clés pour éviter les chausse-trappes avec Mieux Vivre Votre Argent.

fonds en euros

La caractéristique de l’assurance vie est de s’inscrire dans la durée. Pour deux raisons. Tout d’abord, la règle fiscale sur les retraits est plus avantageuse passé huit ans de détention de son contrat. Ensuite, il faut amortir les frais prélevés sur les versements, de 3 % en moyenne (certains produits en sont toutefois dénués).

Pour autant, rien ne vous oblige à conserver votre enveloppe des années durant. Ce placement est complètement liquide, c’est-à-dire que vous pouvez disposer de votre argent à tout ­moment, au bout de quelques mois comme de quelques années. Et ce de manière partielle ou en totalité. Vous pouvez même demander à récupérer votre capital sous forme de retraits réguliers, par exemple 500 euros versés tous les mois sur votre compte bancaire. Et ce sans aucun justificatif à fournir.

Une souplesse incomparable

Dans la même veine, les modalités de versement dans un contrat sont totalement souples, avec la possibilité de l’abonder quand bon vous semble (en respectant les minima fixés par l’assureur) mais aussi de mettre en place des versements programmés, de les arrêter puis de les reprendre si besoin, etc. Cette facilité de fonctionnement fait de l’assurance vie un outil d’épargne tout-terrain, apte à répondre à tous les objectifs patrimoniaux. Rien à voir, en fait, avec une « assurance », malgré une terminologie trompeuse.

L’essentiel étant posé, étudions certains détails qui vous concerneront peut-être, selon vos capacités financières ou votre âge. D’abord, ce placement n’impose pas de limite dans les montants investis, c’est là un atout évident par rapport aux plafonds d’autres enveloppes comme les livrets d’épargne réglementés, le plan d’épargne en actions (PEA) ou le plan d’épargne logement (PEL). Pas de restriction non plus quant au nombre d’assurances vie détenues, contre un seul PEA ou PEL par contribuable.

Question âge, c’est aussi très ouvert, avec la possibilité de recourir à l’assurance vie de 0 à 100 ans et plus, bref à tout âge. Attention toutefois, pour souscrire un nouveau contrat, les assureurs sont très réservés passé 85 ans. Enfin, dernier aspect important, l’assurance vie n’a pas de terme, on parle de placement viager qui se clôturera par le retrait des fonds ou le décès de son détenteur.

La gestion du contrat offre aussi une grande flexibilité, puisque votre investissement n’est aucunement figé. A tout moment, vous pourrez procéder à des modifications de la répartition de votre capital entre les supports financiers du produit (un arbitrage dans le jargon), moyennant des frais… ou pas. Autre outil propre à cette enveloppe, l’avance. Il s’agit de demander un prêt à votre assureur via votre assurance vie, celle-ci servant alors de garantie de remboursement. Là encore, vous évitez toute fiscalité, tandis que votre capital continue à fructifier à plein, en contrepartie du paiement d’un intérêt (2 à 3 % en moyenne actuellement).

Un SAV de qualité très variable

Cumulés, ces éléments mettent en confiance. Reste à se confronter au réel maintenant, c’est-à-dire aux offres commercialisées par les établissements. « Il existe de grandes différences selon les compagnies d’assurances sur la réalité du couteau suisse pour les épargnants, analyse Vincent Fournier, responsable du développement marché de l’épargne au sein de la société de gestion de patrimoine, Groupe Quintésens. Force est de constater que l’assurance vie est aujourd’hui sous-utilisée par la plupart des épargnants. Cette faille n’est pas étrangère au mode de distribution de ce placement, avec beaucoup de contrats souscrits de manière captive, dans les réseaux bancaires notamment. »

Le conseil apporté sur la plupart des contrats est minimal.

Dans les ventes de masse, le conseil apporté est souvent minimal et il sera compliqué de faire évoluer son produit efficacement, faute de répondant (par exemple, votre conseiller a encore changé). Surtout, la qualité des contrats proposés sur le marché est très inégale. Concernant l’offre financière et les frais, bien sûr. Mais aussi sur un aspect déterminant, largement passé sous silence par les assureurs, la consistance du service après-vente (SAV). Ce critère est difficile à évaluer d’emblée, on le constate a posteriori, par exemple par la rapidité avec laquelle un assureur répond à une demande de retrait ou sur les modalités pratiques pour réaliser un arbitrage. Soyez-en persuadé, quelques assureurs font mieux que beaucoup d’autres en la matière.

Si le SAV se révèle défaillant, vous buterez alors sur un autre écueil, l’intransférabilité des contrats entre compagnies. Seule solution, fermer votre produit pour récupérer vos capitaux avec éventuellement une imposition à la clé. Tout juste vous autorise-t-on, selon les conditions fixées par l’assureur, à migrer d’un contrat à un autre dans la même compagnie en conservant l’antériorité fiscale du contrat quitté.

  • Notre conseil. Ce placement est très utile, à tout âge, même pour gérer un patrimoine de petite taille. Mais ne le sous-utilisez pas ! Les outils d’arbitrage, de retraits programmés, d’avance sont à votre service. Pour en tirer pleinement profit, il faudra toutefois disposer d’un contrat de bonne qualité, incluant notamment un degré de services élevé de la part de l’assureur. Méfiez-vous toujours des artifices marketing trop brillants et des produits trop complexes. Recentrez-vous sur des offres compréhensibles et des assureurs ayant fait leurs preuves dans la durée.

Des fonds en euros désormais à la traîne

L’assurance vie a construit son succès sur l’existence du fonds en euros, ce support financier qui garantit la valeur de votre capital, nette des frais d’entrée payés. Les intérêts annuels sont acquis à l’épargnant et viennent grossir la valeur du capital protégé. Peu ou prou, 60 à 70 % des versements en assurance vie atterrissent encore dans le fonds en euros aujourd’hui, signe que les Français sont majoritairement en quête de sécurité pour leur épargne.

Problème, le fonds en euros est en grande souffrance, avec des rendements en baisse constante depuis dix ans. Il rapporte désormais autour de 1,20 % en moyenne avant taxes sociales (taux estimé par Mieux Vivre Votre Argent pour 2020). Ce ne sera pas mieux en 2021 au vu des conditions régnant sur les marchés obligataires, qui sont la matière première des fonds en euros. De quoi doucher les espoirs des épargnants, qui sont pourtant 53 % à ­attendre au moins 3 % de rendement pour un placement sans risque, selon le dernier Baromètre de l’épargne et de l’investissement publié par l’Autorité des marchés financiers (automne 2020).

D’où la question posée par Vincent Fournier : « pourquoi mettre du fonds en euros aujourd’hui dans une allocation d’actifs, alors que son rendement sera quasi nul sur les dix prochaines années ? Clairement, le fonds en euros doit désormais être utilisé comme une poche de liquidité dans son contrat, pour mettre en attente l’épargne qui va être investie. Mais il n’a plus d’intérêt dans une optique de long terme, surtout si vous payez des frais d’entrée. »

C’est exact. Mais il faut aussi éclairer le contexte. Les assureurs sont peu enclins à favoriser ce support coûteux pour eux, car il est gourmand en fonds propres et représente un poids comptable. Ce qui explique les restrictions mises sur son accès, avec l’obligation d’investir en parallèle sur des fonds risqués, ainsi que les hausses de frais d’entrée sur ce fonds, ou bien encore les garanties en capital amoindries ici ou là… Peu à peu, les assureurs transfèrent le risque sur les épaules des épargnants. Il ne faut pas complètement s’y résoudre. Et garder en tête qu’il reste sur le marché des fonds en euros de bonne tenue, rapportant entre 1,5 et 2 % net.





Des frais en cascade à surveiller

Pour autant, pour espérer gagner davantage que sur les fonds en euros. la diversification de votre épargne en assurance vie s’impose. Bonne nouvelle, il y a de quoi faire. Ce placement est aujourd’hui un véritable supermarché financier, avec à disposition des fonds actions et obligataires, des fonds indiciels (ETF), des fonds profilés, des options de gestion pilotée, des actions en direct, de la pierre papier (SCPI notamment), etc. Tous ces éléments portent un nom générique, les unités de compte. Dont il faut toujours se rappeler que le capital n’est pas garanti par l’assureur et qu’il peut donc baisser.

Reste la question : comment investir ? Tout va dépendre de votre profil d’épargnant et de votre horizon de placement. Mais dans tous les cas, il faut savoir rester clairvoyant. Le piège ­serait de se perdre dans des contrats trop complexes, usant d’un vocabulaire technico-financier imbuvable. Sauf à être très averti, impossible de faire le tri soi-même. Plus généralement, sauf à être bien conseillé, comment faire un choix adéquat ? D’où l’idée de certains professionnels de s’en tenir à des fonds indiciels qui permettent de répliquer les marchés financiers.

Enfin, dernier écueil, sous couvert de diversification, l’offre financière de nombreux contrats est en réalité concentrée aux mains de quelques sociétés de gestion, le plus souvent des filiales de l’assureur ou du groupe bancaire qui vous a vendu le contrat. Elle peut dès lors se révéler très onéreuse, notamment avec la nouvelle mode des options de gestion pilotée promues par les assureurs moyennant une hausse significative des frais.

Les frais sont justement le talon d’Achille de l’assurance vie aujourd’hui. Et pour cause, on vous ponctionnera sur vos versements, avant même que votre argent n’ait rapporté un centime (mais il existe des produits sans frais d’entrée), sur l’encours du contrat mais aussi au sein des supports financiers choisis, sur les éventuels arbitrages effectués, sur les options prises, les garanties décès, etc.

Selon Cyrille Chartier-Kastler, fondateur du site d’information sur l’assurance vie, Good Value for Money, « un épargnant ayant investi sur une unité de compte en actions se verra prélever en moyenne annuellement 0,90 % au titre des frais de gestion et 2,03 % au titre des frais de gestion courants internes au support, soit 2,93 % au global. Il faut donc que le gérant du support dans lequel le client a investi génère une performance d’au moins 3 % sur l’exercice pour que l’épargnant obtienne une performance de 0 %. Pour faire aussi bien que le fonds en euros, il faut que le gérant performe en moyenne de 4 % par an, ce qui est élevé. » Est-ce possible sur la durée ?

  • Notre avis. L’assurance vie permet d’investir de mille et une manières aujourd’hui. Encore faut-il être suffisamment autonome ou être bien conseillé par un professionnel. Pour la plupart des épargnants, l’important sera d’accéder à une offre financière assez diversifiée (une quinzaine de supports pourront suffire), en prenant garde aux frais prélevés. Le recours à la gestion indicielle est une piste crédible pour faire baisser la note. Les options de gestion pilotée doivent en revanche être finement analysées (qui gère ? à quel prix ? pour quels résultats passés ?) avant d’y recourir.

Des abattements au bout de huit ans

Les forces fiscales de l’assurance vie sont de premier ordre avance Stéphane Debair, directeur général du cabinet de gestion patrimoniale, Selexium. Tout d’abord, tant que vous ne retirez pas votre épargne, elle capitalise à plein. En outre, les arbitrages à l’intérieur du contrat ne sont pas fiscalisés. Ce qui permet, par exemple, de sécuriser les plus-values d’un fonds actions vers le support en euros sans passer par la case impôts.

Si vous retirez votre argent, la taxation portera uniquement sur la part d’intérêts comprise dans le retrait, avec un taux de 12,80 % avant les huit ans du contrat, de 7,50 % après (pour tout versement effectué sur un nouveau ou ancien contrat depuis le 27 septembre 2017). On est alors bien au-dessous des tranches marginales d’imposition sur le revenu de 11 %, 30 %, 41 % et 45 %.

Mieux, passé huit ans, vous profiterez d’un abattement annuel sur les intérêts, de 4 600 euros pour une personne seule ou de 9 200 euros pour un couple. De quoi tirer des revenus significatifs de son contrat à l’abri du fisc, sans échapper toutefois aux taxes sociales. Bien avisé, vous pourrez même optimiser l’application de la réglementation. Exemple 1 : vous souhaitez récupérer votre capital sur un contrat de plus de huit ans, réalisez alors l’opération sur deux années civiles pour profiter deux fois de l’abattement.

Exemple 2 : votre contrat a plus de huit ans et vous n’y effectuez pas de retrait, perdant ainsi le bénéfice de l’abattement fiscal annuel. « Pourquoi ne pas vous en servir pour retirer des intérêts hors de tout impôt et les ­replacer sur un autre contrat ? propose un assureur. Vous faites ainsi un transfert de plus-values entre deux contrats, sauf que les intérêts du premier contrat deviennent du capital non imposable, une fois réinvestis dans le second contrat. » Une opération dont les gains peuvent toutefois être entamés par les frais d’entrée du second contrat.

Une liberté de choix du ou des bénéficiaire(s)

Ensuite, quid de la fiscalité en cas de décès ? Chaque bénéficiaire, quel que soit son lien de parenté avec le défunt, a droit un abattement de 152 500 euros sur les capitaux reçus, avant d’être taxé à 20 % sur les 700 000 euros suivants (31,25 % au-delà). Attention, cela concerne les versements effectués avant 70 ans. Passé cet âge, le cumul des versements est assujetti aux droits de succession, selon le degré de parenté entre le bénéficiaire et l’assuré, après un abattement de 30 500 euros. Point clé : les intérêts issus des versements post-70 ans sont, eux, exonérés !

Ce cadre permet de réduire la facture fiscale pour les successions dont le patrimoine dépasse les abattements de droit commun. Notamment dans le cas de transmission à des non-parents, par exemple à des neveux et nièces taxés à 55 % après un abattement de 7 967 euros.

Les bénéficiaires qui touchent le RSA depuis décembre 2020, ils devront patienter jusqu’en janvier prochain pour recevoir leur prime de Noël.
Le principal cadeau fiscal de l’assurance vie se matérialise sous la forme d’un abattement de 152 000 euros par bénéficiaire.

Surtout, l’assurance vie est un véritable espace de liberté. Le souscripteur d’un contrat peut désigner le ou les bénéficiaires de son choix, en changer au cours du temps, procéder à des répartitions du capital entre les personnes, prévoir une perception du capital en pleine propriété ou en démembrement, avec ou sans quasi-usufruit, prévoir des clauses dites à tiroir permettant au(x) bénéficiaire(s) de ne recueillir qu’une partie des capitaux et laisser le reliquat au(x) bénéficiaire(s) suivant(s), etc. En matière de transmission, nul autre placement ne fait mieux.

Méfiez-vous toutefois des avantages fiscaux survendus. La plupart des ménages souhaitent gratifier leur conjoint ou partenaire pacsé au décès. Or, ces derniers sont exonérés de droits de succession en toutes circonstances. L’assurance vie n’apporte donc dans ce cas aucun avantage fiscal, sauf à permettre au survivant de toucher rapidement les capitaux décès (si l’assureur a un bon niveau de service après-vente) et en pleine propriété.

  • Notre avis. Le cadre fiscal est avantageux à plus d’un titre, c’est certain. Mais sauf à poursuivre un ­objectif de transmission bien préparé, n’en faites pas une fixation. En revanche, vous avez tout intérêt à prendre date (et bénéficier de la fiscalité actuelle) en ouvrant un bon contrat avec le minimum requis. Vous ferez ainsi tourner le compteur fiscal pour l’imposition des intérêts. Dans quelques années, vous aurez peut-être une somme rondelette à investir (indemnités, ­donation, succession, etc.) et serez ravi de disposer d’une enveloppe déjà mûre sur le plan fiscal.