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Eric Bourguignon, directeur des activités sur titres pour compte de tiers de Swiss Life AM : « Une hausse des taux contenue »

Eric Bourguignon, directeur des activités sur titres pour compte de tiers de Swiss Life Asset Managers, revient sur l’intérêt de se privilégier les obligations d’entreprises à haut rendement en ce moment.

Ce spécialiste des marchés obligataires a notamment travaillé chez Sogepar (Groupe Crédit Agricole) et chez CCR Gestion (UBS). Depuis 2009, il officie chez Swiss Life AM dont il est devenu, en 2019, membre du conseil d’administration et directeur des activités sur titres pour compte de tiers en France.

Comment ont évolué les taux d’intérêt ces dernières années ?

Eric Bourguignon : Le niveau des emprunts d’Etat à dix ans, indicateur phare pour mesurer les taux sur les marchés, a fortement chuté au début de la crise sanitaire. Il a même atteint un point bas. Le taux du dix ans américain (T-Bond) s’élevait seulement à 0,31 % en mars 2020, contre 2,5 % un an auparavant. Depuis, il s’est redressé autour de 1,6 %, mais reste relativement faible par rapport à sa moyenne historique. Comme pour les taux d’intérêt des pays développés, cette chute n’était que le prolongement de la baisse structurelle engagée depuis une quarantaine d’années. Pour rappel, les taux ont atteint leur plus haut au début des années 1980. Les emprunts d’Etat américains se traitaient alors à près de 16 % ! Même constat en Europe où les taux des dettes à dix ans de l’Allemagne sont passés de 9 % au début des années 1990 à – 0,91 % en mars 2020 et – 0,34 % récemment.

Les taux ont rapidement rebondi depuis quelques semaines, faut-il s’en inquiéter ?

E. B. : Il est vrai que les taux ont repris plusieurs dizaines de points de base en très peu de temps. Ce n’est pas pour autant un mouvement inquiétant. L’amélioration de la situation sanitaire avec la vaccination, la reprise de l’activité économique, l’augmentation du prix du pétrole ou encore la poursuite de l’endettement des Etats font pression sur les taux. Certes, il y a un débat sur la reflation (l’inflation liée à l’augmentation de la masse monétaire) et le risque de poussées inflationnistes à la suite du plan de relance annoncé par Joe Biden aux Etats-Unis. Mais nous assistons surtout à une normalisation des économies, ce qui implique un redressement des taux. Celui-ci devrait, in fine, être très contenu. Les banques centrales veulent maintenir des taux bas aussi longtemps que possible.

Pourquoi les marchés ont-ils si mal réagi ?

E. B. : Toute remontée des taux est une mauvaise nouvelle en Bourse. Les actifs obligataires se déprécient, ce qui affecte aussi le sentiment sur les actions. Aujourd’hui, les opérateurs sur les marchés semblent ne plus croire aux discours des banques centrales. Aux Etats-Unis, les anticipations d’inflation ressortent à 2,21 % en moyenne par an, ce qui
est assez conforme à une économie en cours de normalisation qui pourrait voir son PIB progresser de 4,6 % dès cette année. Une remontée des taux est donc anticipée dès le début de 2023 alors même que le discours de la Réserve fédérale américaine reste aujourd’hui largement accommodant. L’Europe devrait suivre le même chemin. Reste
à savoir qui aura raison entre les marchés ou les banques centrales à l’avenir.

Quelles conséquences sur les placements ?

E. B. : Les rendements obligataires sont sous pression. Dès lors que son taux remonte de seulement 0,10 point, une obligation va perdre environ 1 % de sa valeur. Il faut donc se montrer particulièrement prudent sur les placements obligataires à taux fixe. Les emprunts d’Etat ne rapportaient déjà plus rien depuis la mise en place des politiques très accommodantes des banques centrales. C’est également souvent le cas aujourd’hui des obligations d’entreprise dont le rendement ne rémunère pas toujours
la prise de risque. Pour continuer à investir sur les marchés obligataires, il faut privilégier quelques segments comme les obligations d’entreprise à haut rendement, les obligations indexées sur l’inflation ou les obligations
à taux variables.