Marc Renaud, président de Mandarine Gestion : « Le retour en grâce des actions délaissées »
Selon le gérant, le rebond de la gestion value peut se pérenniser si d’autres signaux positifs, comme une revalorisation des bas salaires et une hausse des impôts, apparaissent.

Pionnier de la gestion « value » en France, Marc Renaud a commencé sa carrière, en 1984, en tant qu’analyste puis gérant de portefeuilles au CCF avant de rejoindre, en 1992, le groupe Fimagest. En 1997, il a pris la direction générale de CCR Actions avant de créer, en 2007, Mandarine Gestion.
Comment définissez-vous le style « value » ?
Cette méthode de sélection des titres repose avant tout sur une conviction : sur une longue période, les cours des actions qui ont le plus progressé finiront par baisser grâce au phénomène de retour à la moyenne du prix
des actifs. Or, le biais naturel sur les marchés consiste à surpayer les valeurs qui fonctionnent le mieux. Le style « growth » ou croissance, est donc largement dominant. Le style « value » vise, au contraire, à investir sur des titres mal aimés de la plupart des investisseurs à cause d’un niveau élevé d’endettement ou encore parce qu’ils sont issus d’un secteur d’activité délaissé… Notre objectif consiste à ne jamais surpayer une action, en étudiant des critères de rentabilité et de valorisation par rapport
à la moyenne. Mais il faut aussi déterminer quels seraient les éléments déclencheurs qui pourraient redresser son cours. In fine, on peut trouver des entreprises décotées dans tous les secteurs d’activité (en dehors des biotechnologies) même si les valeurs cycliques et bancaires sont aujourd’hui surreprésentées dans la value, ce qui n’a pas toujours été le cas. Pendant l’épidémie du SRAS en 2002par exemple, LVMH était une valeur décotée.
Depuis le début de l’année, certains professionnels font état d’une rotation des titres au profit du style value, qu’en pensez-vous ?
Nous n’assistons pas réellement à une rotation sectorielle comme on peut l’entendre de certains gérants ou stratégistes. Certes, les valeurs dites value, en particulier les cycliques (issues de l’industrie, l’énergie…), se redressent depuis novembre dernier, mais en parallèle, les autres actifs de la cote (le luxe, la technologie…) continuent leur progression. Nous aurions une rotation seulement si leur cours s’effondrait ! Il s’agit donc surtout d’un phénomène de rattrapage des actions jusqu’alors délaissées.
Le style value peut-il rebondir durablement ?
A l’exception des années 2009 et 2015, le style value sous-performe largement le marché depuis douze ans. Les valeurs de croissance ont été favorisées par la baisse ininterrompue des taux d’intérêt et les politiques monétaires accommodantes. Mais, on commence à entrevoir une inflexion. Les programmes massifs de relance aux Etats-Unis font craindre des tensions inflationnistes et, par conséquent, une remontée graduelle des taux américains. En Europe, la Banque centrale est à la manœuvre pour limiter cette hausse, mais le marché reste corrélé à son homologue outre-Atlantique. Par le passé, nous avons déjà eu un rebond de la gestion value durant quelques semaines voire quelques mois. Néanmoins pour qu’il se pérennise, il faudrait également d’autres signaux positifs, comme une revalorisation des bas salaires et une hausse des impôts.
Quelles sont vos convictions à l’heure actuelle sur les marchés ?
Etant par nature un investisseur « contrariant », je suis toujours positif sur l’industrie bancaire, mais uniquement sur les banques qui sont sorties gagnantes de la précédente crise, celles qui ont par exemple les moyens de se digitaliser. A travers mon fonds, Mandarine Valeur, je suis investi dans BNP Paribas ou encore Santander. En début d’année, le rebond des valeurs liées au secteur des matières premières a été spectaculaire. Mais l’essentiel de la hausse est derrière nous. Je conserve toutefois certaines positions comme Glencore. Je reste aussi positif sur Total qui continue d’offrir des rendements intéressants et entame sa mue vers les énergies vertes.