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« Régler le problème du logement en France passera par la création de fonds immobiliers »

Entretien avec Jean-Marc Coly, président de l’Association française des sociétés de placement immobilier (Aspim).

Jean-Marc Coly, président de l’Aspim

A l’approche de l’élection présidentielle, vous interpelez les candidats avec des propositions destinées à répondre aux défis de l’immobilier d’aujourd’hui et de demain…

Jean-Marc Coly :
Effectivement. Pour la première fois de son histoire, l’Aspim entend porter un message fort auprès des candidats à la présidence de la République. Notre ambition : que l’immobilier, qui est une préoccupation majeure des Français, trouve sa place dans la campagne à venir. Fruit d’un travail inédit réalisé l’an dernier par un groupe d’experts, lequel a démarré par une enquête réalisée avec l’Ifop*, notre initiative a fait émerger onze propositions phares, regroupées selon quatre grands thèmes : le logement ; l’environnement ; la retraite, la dépendance et le lien intergénérationnel ; et le développement et la compétitivité des fonds d’investissement immobilier français. Nous dialoguons désormais avec les candidats à l’élection présidentielle pour qu’il se les approprient, au service d’un immobilier résilient, inclusif et performant.

Pourquoi placer la pierre au cœur du débat démocratique ?

J.M. C :
Nous sommes partis du constat que l’immobilier, qui est pourtant un fleuron national puisqu’il représente plus de 11% de la création de richesse en France et emploie 2,2 millions de personnes, véhicule toujours autant de préjugés. En 2017, lors de la précédente campagne présidentielle, l’investissement dans la pierre était uniquement présenté sous l’angle de la « rente », en faisant abstraction de son rôle sociétal, qui est tout aussi important. Entre-temps, la crise sanitaire, qui a été un catalyseur de changements, a mis en lumière l’inadaptation des politiques menées par les gouvernements de tout bord par rapport aux aspirations et besoins résidentiels des Français. Il en découle aujourd’hui une pénurie de logements et un déficit de l’offre locative à loyer abordable dans les zones tendues (métropoles, villes moyennes dynamiques et territoires touristiques).

Quel remède à cette question cruciale du logement ?

J.M. C : La création de fonds immobiliers logement sont l’une des clés de résolution du problème. Contrairement à l’Allemagne, notre pays ne dispose d’aucune grande foncière cotée centrée sur le résidentiel, par exemple. Et encore trop peu de fonds non cotés sont majoritairement investis dans cette typologie d’actifs. Or, le recours exclusif à des investisseurs locatifs particuliers qui investissent en direct nous mène dans une impasse. Pour preuve, la France ne compte aujourd’hui que quelque 140 000 logements à loyers abordables, accessibles aux personnes considérées comme trop aisées pour prétendre au logement social mais pas assez riches pour accéder au marché libre. Nous proposons de viser un objectif de 500 000 logements à loyers abordables à horizon 2040. Pour ce faire, nous préconisons de créer des fonds « résidentiel abordable » ouverts au grand public. Ces fonds auraient vocation à se porter acquéreurs de programmes neufs, avec une décote de loyer de 10 à 20 % par rapport au prix du marché, et de mener des opérations de réhabilitation dans le parc ancien dans l’ensemble des zones tendues où il y a des besoins. Pour que l’équation financière soit tenable, nous demandons que le régime de TVA de droit commun soit appliqué au logement. Autrement dit, faire en sorte que la TVA soit récupérable sur les achats de biens neufs comme sur toutes les dépenses de travaux et de gestion liées aux actifs résidentiels.

Quelles autres propositions phares faites-vous pour l’immobilier ?

J.M. C : Il faut rendre plus accessible les fonds immobiliers aux épargnants, à travers par exemple la digitalisation des process, l’européanisation de la commercialisation et un accès facilité à ces produits dans les enveloppes d’épargne retraite et salariale.  Encourager la démarche environnementale, à travers un amortissement fiscal de 3/5 ans du coût des travaux d’économie d’énergie au bénéfice des épargnants et une harmonisation des labels ISR en Europe nous tient aussi à cœur. Enfin, nous plaidons pour des mesures permettant de soutenir le financement de la dépendance. Par exemple, en ouvrant aux fonds l’accès à des mécanismes comme le viager ou le démembrement de propriété, ce qui permettrait de mobiliser l’épargne immobilière des seniors au service de l’économie.

* Étude « Les Français et l’investissement immobilier »