Propriétaires bailleurs: les 3 solutions pour vous prémunir des impayés de loyers

Véritable hantise des propriétaires, les locataires qui ne s’acquittent pas de leurs loyers sont rares malgré tout. Selon Julien Savelli, président délégué de la Fédération nationale de l’immobilier (Fnaim), les impayés concerneraient seulement 2,5% des locations. Un chiffre à peine inférieur aux 3% avancés par l’Union nationale des propriétaires immobiliers (UNPI).
Et pourtant… si cette pratique reste marginale a priori, faute de statistiques officielles, les conséquences peuvent se révéler catastrophiques pour les bailleurs concernés qui comptent souvent sur ce revenu pour compléter leur retraite ou rembourser l’éventuel crédit souscrit pour financer leur achat.
D’autant que le dépôt de garantie que la loi (article 22 du 6 juillet 1989 modifié par la loi Alur) leur autorise à demander pour se protéger de possibles manquements de leur locataire est plafonné depuis 2014 à un mois de loyer hors charges pour un bien nu ou deux mois hors charges pour une location meublée (article 25-6). Si la sélection du locataire est la première mesure de précaution à respecter, en vérifiant la solidité de ses ressources et la stabilité de son activité professionnelle, les propriétaires disposent, en outre, de trois solutions pour s’assurer du paiement régulier de leur loyer : la caution d’un tiers ; la souscription d’une assurance ; le recours à un système de cautionnement, comme Visale, proposé par Action Logement, le principal acteur du logement social, ou Confiance Bailleur, du Fonds d’action sociale pour le travail temporaire.
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Problème : excepté si le locataire est un étudiant ou un apprenti, ces dispositifs ne sont pas cumulables. L’article 22-1 de la loi du 6 juillet 1989 est clair sur ce point: « Le cautionnement ne peut pas être demandé, à peine de nullité, par un bailleur qui a souscrit une assurance, ou toute autre forme de garantie, garantissant les obligations locatives du locataire. » Avant de signer le moindre contrat de location, il convient donc d’étudier les différentes possibilités afin de choisir celle qui est la plus à même selon vous de sécuriser vos loyers. Car, insiste Julien Savelli, « l’erreur aujourd’hui est de contracter un bail sans disposer d’au moins une de ces garanties ».
La caution «personne physique»: une question de confiance
Simple à mettre en place et rapide à solliciter, la caution « personne physique » apparaît comme le garde-fou le plus classique en matière de protection contre les impayés de loyers. Cette solution, entièrement gratuite, consiste à demander à un proche de votre candidat locataire de s’engager par écrit à régler à sa place le montant des loyers et des charges si ce dernier ne respecte pas lui-même ses obligations.
Au cas où la personne qui s’est portée caution décède avant la fin de l’engagement qu’il a pris, ses héritiers sont tenus par la loi (article 2294 du Code civil) de s’exécuter en son nom. Autrement dit, ils doivent s’acquitter des éventuelles sommes qui seraient dues par le locataire. A condition toutefois que le bailleur en ait réclamé le remboursement au garant avant sa mort. Sauf que si, sur le papier, cette garantie semble plus qu’idéale, elle est loin d’être fiable à 100%.
Se pose en effet la question de la solvabilité de la caution. Rien n’assure à un bailleur que la personne qui s’est portée volontaire pour payer les arriérés du locataire soit en mesure de le faire le jour où elle est confrontée à cette obligation. « Plutôt qu’une véritable garantie financière, la caution ‘‘personne physique’’ constitue une garantie morale, met en garde Eric Durand, directeur du pôle loyers impayés du courtier en assurances Verspieren.
Car, si le propriétaire est, certes, en droit de lui demander de justifier de ses ressources pour attester de sa capacité à pouvoir, le cas échéant, se substituer au locataire défaillant, il n’a aucune idée, en revanche, de ses charges personnelles ni même du fait qu’il se soit dans le même temps porté caution pour d’autres personnes. » Un avis partagé par Laurent Brossier, directeur de la chambre de l’UNPI du Rhône : « Par principe, il faut que la caution soit encore plus solvable que le locataire.
D’où l’importance d’être particulièrement attentif au choix de cette dernière. » Pour ce faire, le bailleur est libre de lui demander un certain nombre de documents démontrant son aptitude financière à prendre en charge les dettes de celui pour lequel elle s’est portée garante. Mais gare à ne pas faire trop de zèle, prévient Julien Savelli. « Les pièces justificatives qu’un propriétaire peut exiger d’une caution d’un candidat à la location sont listées dans le décret du 5 novembre 2015 », rappelle-t-il.
S’il peut sans problème réclamer qu’elle lui fournisse un ou plusieurs documents attestant de ses activités professionnelles (contrat de travail ou attestation de l’employeur, extrait K-bis de moins de trois mois, copie de la carte professionnelle…) et de ses ressources (dernier avis d’imposition, de taxe foncière, trois derniers bulletins de salaire, deux derniers bilans comptables, preuves de revenus de capitaux mobiliers…), toute exigence d’autres justificatifs expose le bailleur à une amende de 3000 euros au maximum. Mieux vaut également faire preuve d’une extrême prudence au moment de rédiger l’acte de cautionnement, afin de limiter autant que possible l’éventuel recours de la personne qui s’est portée garante à des arguments juridiques légitimant son refus de s’acquitter des dettes.
« Elle doit être avertie et consciente des devoirs qui lui incombent lorsqu’elle signe cet acte. En ce sens, la loi impose de respecter un certain formalisme lors de sa rédaction sous peine de nullité », commente Laurent Brossier. Pour être valable, le contrat doit comporter plusieurs informations, comme le nom du bénéficiaire du cautionnement, l’adresse du logement loué et le nom du bailleur. Mais pas seulement. « La personne caution est tenue de reproduire à la main tout un ensemble de mentions spécifiques », prévient Julien Savelli. A savoir, le montant du loyer, ses conditions de révision, ainsi qu’un texte précisant qu’elle connaît sans ambiguïté l’étendue de ses obligations. Elle doit aussi recopier, toujours de manière manuscrite, l’avant-dernier alinéa de l’article 22-1 de la loi du 6 juillet 1989, par lequel elle est informée des conditions auxquelles sa responsabilité prend fin.
Enfin, pour éviter les mauvaises surprises le jour où vous sollicitez le garant de votre locataire, deux précautions supplémentaires s’imposent. A commencer par indiquer dans l’acte de cautionnement la durée pour laquelle la caution accepte de s’engager (en règle générale, six ans pour un logement loué nu, soit l’équivalent de la durée du bail initial renouvelé une fois). Motif ? « Faute d’écrire noir sur blanc une durée spécifique, l’engagement est de fait considéré au regard de la loi comme étant indéterminé. C’est un motif de résiliation pour la caution, qui reste alors impliquée seulement jusqu’au terme du bail initial. Dès lors que ce dernier est dépassé, le garant peut se retirer à tout moment », note Laurent Brossier. Et d’ajouter : « Quoi qu’il en soit, à l’issue de l’échéance du cautionnement, la caution ne peut plus être recherchée pour régler les impayés ultérieurs. » L’autre point de vigilance repose sur la mention, ou non, de la notion de solidarité de la caution dans l’acte.
A défaut de précision particulière dans ce document, la caution est en effet réputée «simple ». Concrètement, le bailleur ne peut se retourner contre le garant pour réclamer le paiement des arriérés qu’après avoir poursuivi en justice son locataire et que la procédure se soit soldée par un échec ou que son insolvabilité ait été prouvée. En revanche, dès lors que la caution est déclarée comme étant solidaire, le propriétaire peut faire appel directement à elle dès le premier loyer impayé. A noter : sur le même principe que la caution « personne physique », une caution peut être « personne morale ». « Dans ce cas précis, ce n’est plus un tiers qui se porte garant du locataire, mais directement son établissement bancaire », observe Laurent Brossier. Dans les faits, néanmoins, cette solution est très rare.
L’assurance loyers impayés: une sécurité sur mesure
Au regard des difficultés auxquelles un propriétaire bailleur peut se heurter pour obtenir le remboursement des loyers dus par le tiers qui s’est porté caution, il lui est possible de se protéger contre une éventuelle défaillance d’un locataire en souscrivant, en son nom propre, une garantie loyers impayés (GLI). Le principe est simple : en cas de non-paiement des loyers, le bailleur en informe son assureur qui se substitue alors au locataire et s’acquitte des sommes à régler. « En contractant une telle garantie, explique Eric Durand, un propriétaire couvre lui-même le risque que son locataire ne le paie pas et s’assure ainsi d’être indemnisé quoi qu’il se passe. Il peut également, selon son contrat, étendre sa couverture à d’autres pertes financières que les arriérés de loyers. »
Par exemple, aux frais de contentieux, de procédure ou encore de remise en état du logement loué s’il a subi des dégradations. Problème, à la différence d’une caution individuelle classique, ces assurances ne sont pas gratuites. Et, « si leurs prix varient en fonction des garanties incluses, des montants de couverture pris en charge et des durées maximales d’indemnisation », souligne Julien Savelli, ils diffèrent également selon la nature même du contrat. Celui-ci peut être individuel ou collectif. Dans le premier cas, l’assurance est souscrite directement par le bailleur auprès d’un assureur, d’un courtier en assurances ou d’une banque; dans le second cas, celui du contrat collectif, la garantie est ouverte dans le cadre d’un contrat de groupe proposé par un professionnel de l’immobilier en contrepartie de la gestion locative du bien. De manière générale, les tarifs appliqués oscillent entre 2,5 et 4% du montant mensuel du loyer et des charges (les contrats de groupe présentant souvent les prix les plus attractifs). Soit une cotisation de l’ordre de 18,75 à 30 euros par mois pour un loyer de 750 euros.
Certes, cela représente une dépense supplémentaire pour le bailleur, rappelle Laurent Brossier, « mais dont le montant est déductible des revenus fonciers déclarés au réel ». Pour autant, attention aux mauvaises surprises avec ce type d’assurance, prévient notre interlocuteur. Car, outre les éventuels délais de carence, franchises, durées d’indemnisation et autres plafonds de couverture prévus dans le contrat, « les assureurs sont très exigeants au moment de faire jouer cette garantie et peuvent refuser d’indemniser un propriétaire s’ils constatent que le locataire en situation d’impayé ne répondait pas aux critères de solvabilité qu’ils ont eux-mêmes définis ».
Ces conditions d’éligibilité se révèlent souvent drastiques, notamment en termes de revenus nets globaux du locataire par rapport au montant du loyer demandé. Or, c’est au bailleur ou au gestionnaire du bien qu’il incombe de les vérifier, sans contrôle en amont de la compagnie d’assurances auprès de laquelle est souscrite la garantie loyers impayés. Ce même risque de non-prise en charge vaut pour les assurances loyers impayés contractées en cours de bail, sauf à pouvoir, lors de la première demande de couverture, attester preuves à l’appui que le locataire en place n’a pas connu par le passé de défaillance dans le paiement de ses loyers. Et ce, pendant une période fixée par l’assureur.
Visale: un cautionnement réservé à certains locataires
Etre assuré que les loyers et charges impayés soient pris en compte immédiatement sans franchise ni délai de carence et, surtout, sans besoin de débourser le moindre centime pour cette couverture, c’est ce que vous propose le dispositif Visale (Visa pour le logement et l’emploi).
Développé par Action Logement, ce mécanisme de cautionnement se substitue au locataire défaillant dès le premier retard de paiement. Mieux encore, si « Visale ne couvre actuellement que les arriérés de loyers et de charges locatives nets d’aides au logement constatés au cours des trois premières années du bail, elle devrait s’appliquer dans les prochaines semaines à toute la durée du contrat de location, dans la limite de 36 mois d’indemnisation », indique Lucie Cahn, directrice générale de l’Association pour l’accès aux garanties locatives (APAGL), chargée au sein du groupe Action Logement d’organiser la mise en œuvre du dispositif Visale.
Pour bénéficier de cette garantie, plusieurs conditions sont néanmoins à remplir. A commencer par « accepter de louer à certain public, poursuit Lucie Cahn. Soit à un jeune de moins de 30 ans, qu’il soit étudiant, en activité ou en recherche d’emploi. Soit à un salarié de plus de 30 ans ayant signé depuis moins de six mois un contrat de travail en CDD ou en intérim. Voire, en CDI à condition d’être toujours en période d’essai. » Autre obligation : le loyer mensuel demandé (charges incluses) ne doit pas excéder 1300 euros (1500 euros à Paris intra-muros), ni représenter un taux d’effort de plus de 50% pour le locataire, c’est-à-dire qu’il ne doit pas dépasser la moitié de ses revenus. Une contrainte à relativiser car c’est à lui qu’il revient de s’assurer de son éligibilité à ce dispositif.
Concrètement, explique la directrice de l’APAGL, « avant de signer un bail, le futur locataire doit obtenir un visa certifié par Action Logement. Ce document, qu’il présente ensuite au propriétaire, atteste de son droit à bénéficier du système de cautionnement Visale et précise le montant maximal du loyer pouvant être garanti. Pour que ce visa lui soit délivré, il est tenu de fournir un ensemble de justificatifs qui sont vérifiés par nos services. »
Afin d’actionner cette caution, il suffit alors au bailleur d’adhérer lui-même gratuitement au dispositif en saisissant sur le site Visale les données du visa remis par son candidat locataire. Ne lui reste plus qu’à signer le contrat de cautionnement qui lui est fourni automatiquement. Mais attention, prévient Lucie Cahn, « cette opération doit être effectuée préalablement à la signature du bail. Faute de quoi, la couverture des loyers impayés via Visale n’est plus possible. »
En outre, pour éviter que ses éventuelles demandes de prise en charge soient rejetées par Action Logement, le bailleur doit veiller à ce que le montant du loyer (charges comprises) figurant dans le contrat de location soit inférieur ou égal à celui mentionné sur le visa de son locataire. Tout comme il doit vérifier, s’il envisage de louer son bien à deux personnes via un seul bail, que le nom de chacune figure sur ce document certifié. Lorsque ces démarches sont accomplies, plus d’inquiétude: au moindre arriéré, les sommes dues sont versées au bailleur par Action Logement en lieu et place de son locataire. Et ce, même si ce dernier, au moment de son inscription, a fourni de faux documents.
« Comme ce sont nos services qui valident en amont ces documents et non le propriétaire, nous sommes seuls responsables en cas d’erreur d’analyse », détaille Lucie Cahn. Particulièrement séduisant, ce dispositif présente cependant deux limites de taille. Non seulement, les éventuels frais de dégradation du logement, consécutifs à des dégâts commis par le locataire, ne sont pas couverts, mais, surtout, la garantie est limitée dans le temps : une fois le nombre maximal de mois d’indemnisation atteint, elle ne peut être reconduite. Dans un tel cas, il devient compliqué, voire impossible, pour un bailleur de convaincre une compagnie de lui accorder une assurance loyers impayés alors que le locataire est déjà connu pour ses défaillances.