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La suppression de la taxe d’habitation va sans aucun doute avoir un impact sur le montant de la taxe foncière

La suppression de la taxe d'habitation va créer un manque à gagner pour les collectivités. Bercy réfléchit à des solutions pour compenser cette perte. Une hausse de la taxe foncière pourrait en faire partie.
impôts
Crédit: iStock.

La suppression de la taxe d’habitation est une grosse perte pour les collectivités territoriales. Bercy réfléchit donc à la façon de compenser les 24 milliards d’euros qui passeront à la trappe en 2020. Dans cette optique, Alain Richard et Dominique Bur ont remis le 9 mai dernier au Premier ministre, Edouard Philippe, un rapport sur la refonte de la fiscalité locale avec pour obligation de ne proposer aucun nouvel impôt. Parmi les pistes explorées, il est question de transférer à ces collectivités une part des recettes de la TVA et de leur allouer une fraction supplémentaire de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) ou de la CSG. Ces transferts n’auraient, a priori, aucun impact sur la facture du contribuable.

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Résidences secondaires

Malheureusement pour les propriétaires, les autres solutions envisagées pourraient être plus pénalisantes. A tel point qu’ils auront certainement du mal, à terme, à voir quel bénéfice ils auront tiré de la suppression de la taxe d’habitation. Le rapport revient sur sa disparition totale. Il se demande s’il ne serait pas judicieux de la conserver pour les résidences secondaires, définies par le rapport comme tout bien occupé moins de 183 jours par an. A défaut de ce maintien, il faut de toute façon s’attendre à un alourdissement de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) pour les résidences secondaires. Bercy et de nombreux édiles se sont déclarés très intéressés par les propositions faites.

Les auteurs du rapport préconisent d’appliquer une contribution complémentaire à la taxe foncière, assortie d’une majoration dans les zones urbaines tendues. Ainsi, le contribuable paierait une contribution correspondant plus ou moins à son ancienne taxe d’habitation et retrouverait, sous une autre forme, la majoration actuelle pour les résidences secondaires de 5 à 60 %. Dans la mesure où les élus locaux plaident pour porter cette surimposition à 100 %, les propriétaires de résidences secondaires peuvent s’attendre, malgré la disparition de la taxe d’habitation, à verser plus de taxes locales qu’avant. En outre, ce régime de majorations, dans une volonté d’unification, pourrait être valable pour les logements vacants ou occupés temporairement, cette notion restant à définir précisément.

Une révision des bases de calcul de la taxe foncière

Le rapport évoque également un « serpent de mer » de la fiscalité locale. Il insiste sur le fait que « la disparition de la taxe d’habitation ne peut qu’accentuer la nécessité de moderniser les bases sur lesquelles est assise la taxe foncière sur les propriétés bâties et toutes celles qui s’y rapportent », notamment la taxe sur les ordures ménagères. Exit la valeur cadastrale totalement déconnectée des loyers et de la valeur réelle des biens immobiliers, pour lui substituer une base reflétant les réalités du marché.

A taux inchangés, cette mesure conduirait à une explosion de la taxe foncière, certains contribuables pouvant, selon les simulations effectuées, voir leur note tripler ou quadrupler. Il est évident qu’une telle augmentation est insoutenable. C’est pourquoi le rapport Richard-Bur évoque, en termes très bureaucratiques, « la nécessité de repenser les règles de plafonnement et de liaison des taux d’imposition locale et de définir une gouvernance adaptée entre l’Etat et les collectivités territoriales ». Mais les deux rédacteurs se gardent bien de proposer des solutions.

Une hausse des droits de mutation

Enfin, une dernière mesure, qui ne figure toutefois pas dans le rapport, séduit Matignon. Le Gouvernement envisage sérieusement, dans la prochaine loi de finances, d’autoriser les départements à augmenter de 0,2 point le taux des droits de mutation sur les ventes d’immeubles. Ce qui le ferait passer de 4,5 à 4,7 % et permettrait aux départements d’encaisser 500 millions d’euros supplémentaires. L’adoption par le Parlement d’une telle disposition serait un coup dur pour les acquéreurs.

Rappelons qu’en 2014, le plafond du taux départemental a été porté de 3,8 à 4,5 % et que la quasi-totalité des départements ont appliqué cette hausse. On peut donc être sûr qu’il en sera de même pour passer à un taux de 4,7 %. L’impact n’est pas négligeable pour l’acheteur. Pour un logement de 300 000 euros, avec les taxes annexes (1,20 % de taxe communale et 2,37 % de frais d’assiette perçu au profit de l’Etat et calculé sur le droit départemental), la facture fiscale sauterait de 17 400 à 18 000 euros, soit un supplément de 600 euros.

Sans compter que certains experts des finances locales estiment qu’il faudrait également augmenter la part communale ! Décidément, cette suppression de la taxe d’habitation  s’annonce dangereuse pour le portefeuille du contribuable.

Une taxe plus juste pour les ordures ménagères ?
Actuellement, les communes vous demandent de payer une taxe de ramassage des ordures ménagères ne tenant aucun compte de « votre consommation » de ce service municipal. Pour un bien similaire, un célibataire sans enfants verse donc une cotisation égale à celle de ses voisins, une famille de cinq personnes résidant toute l’année dans la commune alors que lui n’y est que quatre semaines par an à titre de résidence secondaire. Le tonnage de ses ordures n’est pourtant pas le même ! Pour mettre fin à cette injustice, les « penseurs de Bercy » réfléchissent à une intégration de la consommation des foyers fiscaux. Il a longtemps été question de créer un système de pesée des ordures, mais c’est beaucoup trop complexe et coûteux à mettre en oeuvre. La piste la plus sérieuse consisterait à appliquer une majoration de la taxe en fonction du foyer fiscal. A la base, il était question de retenir le nombre de parts accordé au titre de l’impôt sur le revenu. Dans ce cas, certains contribuables seraient floués. En effet, pourquoi un troisième enfant, donnant droit à une part, majorerait plus la taxe que les deux premiers représentant chacun une demi-part ? C’est pourquoi il est simplement envisagé de comptabiliser les occupants d’un même bien. En revanche, rien n’est prévu quant à la durée d’occupation, et donc de consommation du service.