« Usufruitier et droit viager au logement : qui paie l’IFI ? »
Les précisions de Benoît Berchebru, directeur de l’Ingénierie patrimoniale chez Nortia.

Le conjoint survivant bénéficie de 2 droits spécifiques sur le logement constituant la résidence principale[1] appartenant aux époux[2] :
- Le droit temporaire d’habiter le bien gratuitement pendant 12 mois et d’utiliser le mobilier le garnissant (art. 763 du code civil).
- Le droit viager qui s’exerce après le droit temporaire des 12 mois et lui permet de demander la jouissance du bien sa vie durant. Ce droit doit être demandé pendant l’application du droit temporaire (art. 765-1 du code civil).
Un avantage accordé même dans le cadre d’une famille recomposée, en présence d’enfants de différents lits.
Le droit viager au logement correspond à un droit d’usufruit puisque le conjoint survivant bénéficie des mêmes droits, à savoir le droit de jouissance du bien et des meubles meublants et le droit de percevoir les revenus en cas de mise en location du bien.
Si aucun testament, ni aucune donation au dernier vivant n’a été réalisée, le conjoint survivant bénéficie de son droit viager sur le logement par une disposition de la loi[3], de sorte que la valeur du bien taxable à l’IFI sera à répartir entre l’usufruitier et le nu-propriétaire, selon le barème 669 du CGI qui est fonction de l’âge de l’usufruitier au jour de l’entrée en jouissance du bien.
Par exemple, lorsque l’usufruitier a entre 71 et 80 ans, sa valeur d’usufruit vaut fiscalement 30% et la nue-propriété vaut 70%. Pour une résidence principale de 500 K€ et un parc immobilier total de 1 700 K€, l’usufruitier devra intégrer dans son assiette taxable à l’IFI[4] au titre de cette résidence principale qui appartenait au défunt, 30% x 500 K€ = 150 K€[5]. Il pourra ensuite appliquer une décote de 30% sur cette assiette taxable au titre de sa résidence principale, soit une valeur à déclarer à l’IFI pour ce droit viager au logement de 105 K€ pour un bien estimé à 500 K€.
Avec un patrimoine net immobilier de 105 K€ (droit viager au logement) + 1.2 M€[6] (autres biens immobiliers), l’usufruitier ne sera plus redevable de l’IFI grâce à cette répartition puisque son patrimoine net immobilier sera inférieur à 1.3 M€.
Le nu-propriétaire devra déclarer de son côté les 70 % restants, soit 350 000 €[7]. Si son propre patrimoine net immobilier est inférieur à 950 K€, alors lui aussi ne sera pas redevable de l’IFI.
Particularité : En cas d’ouverture d’un droit d’usufruit au conjoint survivant sur l’actif de succession par testament ou donation au dernier vivant, ce droit viager au logement se confondra avec le droit d’usufruit applicable sur l’actif de succession, de sorte que l’origine du démembrement ne sera plus issue d’une disposition de la loi.
Conséquence : l’usufruitier devra déclarer à l’IFI la valeur du bien objet de ce droit au logement en pleine propriété dans son patrimoine (350 K€ au lieu de 105 K€) et sera seul redevable de cet impôt.
La solution : Pour éviter cet écueil, il pourrait être précisé dans la donation au dernier vivant[8] que l’option en usufruit ouvert au conjoint survivant ne portera que sur l’actif de succession du défunt et que le droit au logement sera exclu de cette donation.
Le but : conserver l’origine légale du droit viager au logement afin de pouvoir bénéficier de la répartition de l’assiette taxable à l’IFI dudit bien sur 2 foyers fiscaux différents (usufruitier / nu-propriétaire), ainsi que d’une assiette taxable réduite qui sera fonction de l’âge de l’usufruitier (barème de l’article 669 CGI) au jour de l’ouverture de ce droit viager au logement.
Soit une économie d’IFI de plus 4 250 € dans notre exemple.
[1] Sous réserve d’occupation effective au titre de résidence principale
[2] Non applicable s’il s’agit d’un bail d’habitation
[3] Il a le choix entre ¼ en pleine propriété ou 100% en usufruit en présence d’enfant(s) commun(s) sur l’actif de succession du défunt= usufruit légal
[4] Le seuil de déclenchement est situé à 1.3 M€ de patrimoine immobilier net au 1er janvier, avec une taxation dès 800 K€ une fois le seuil franchi.
[5] Hypothèse où le défunt décédé était seul propriétaire du bien immobilier constituant le logement familial des époux.
[6] = 1 700 000 € – 500 000 €
[7] Une tolérance fiscale permet d’appliquer l’abattement de 30% même si le bien ne constitue pas la résidence principale du nu-propriétaire (BOI-PAT-IFI20-30-20, 8 juin 2018, § 40), cet abattement ne pouvant alors plus s’appliquer à un autre bien.
[8] Même solution dans le cadre d’un testament