Le prélèvement à la source aura un impact psychologique « difficile à quantifier »

Avant toute chose, il faut dissiper un malentendu : la mise en place du prélèvement à la source n’augmentera pas votre impôt sur le revenu. En effet, il ne s’agit que d’une évolution de son mode de paiement puisque les sommes dues seront, comme la CSG et la CRDS, prélevées directement chez votre employeur ou votre caisse de retraite avant que votre pension de retraite ou votre salaire ne soit viré sur votre compte bancaire. Ainsi, les taux ou tranches d’imposition ne varient pas. Tout comme le montant global des impôts que vous devez payer. Seuls changent la fréquence et le montant mensuel que vous devez régler. « En théorie, son impact sur l’économie en général est complètement neutre ou très insignifiant d’un point de vue macro-économique » juge Philippe Moati, professeur d’économie à l’université Paris-Diderot et co-président de l’observatoire Société et consommation. Avant de poser les termes du débat ainsi : toute la question repose sur son impact psychologique sur les consommateurs qui est extrêmement difficile à déterminer, à quantifier ».
Selon que vous êtes mensualisé comme près de deux tiers des Français ou fidèle aux tiers provisionnel, la perception de cette évolution différerait complètement. Dans Le premier cas et avec un salaire ou une retraite stables d’une année sur l’autre, un contribuable, selon Philippe Moati « bénéficiera d’un très léger gain de pouvoir d’achat » puisque son impôt sera désormais calculé sur douze mois au lieu de dix dans l’ancien régime. « Comme auparavant, lorsque l’impôt du était enfin acquitté, le contribuable avait l’impression de bénéficier d’un treizième mois grâce à un excédent transitoire de trésorerie, poursuit l’économiste. Cette impression ou avantage se dissipera au cours des deux derniers mois de l’année. « Les fins d’années pourraient être rudes pour ceux qui auront dépensé allègrement la différence entre de qu’ils paient tous les mois et ce qu’ils payaient avant, en oubliant que ce prélèvement court sur novembre et décembre. Attention à ceux qui auront trop souscrit de crédits ».
Sentiment d’appauvrissement
Justement, le léger gain de pouvoir d’achat induit par prélèvement à la source sera-t-il réinjecté dans la consommation pour produire « un choc psychologique positif », selon l’expression de Gérard Darmanin, le pilote de cette réforme du prélèvement à la source ? Voire. Explication de Philippe Moati : beaucoup d’exemples passés montrent que lorsque les Français reçoivent un avantage fiscal, tel qu’une baisse d’impôts, de la part d’un gouvernement, ils préfèrent l’épargner plutôt que dépenser ce surcroît de revenus. L’expérience les incite à mettre de côté ce qui, estiment-ils, pourra leur être repris plus tard » reprend-il. De quoi relativiser l’effet des baisses d’impôts envisagées pour ‘faire avaler la pilule’ alors que la croissance et le moral des ménages fléchissent de concert…
« Un sentiment d’appauvrissement n’est pas à exclure » prévient Philippe Moati. En particulier pour les contribuables fidèles au régime du paiement par tiers. Ces derniers risquent de subir un choc psychologique plus ou moins fort en janvier prochain puisqu’ils régleront leur dû fiscal avec un mois d’avance. Ceux, mensualisés, qui voient leur salaire ou pension croître d’une année sur l’autre pourraient aussi éprouver une crainte pour leur revenu disponible futur… Et se serrer la ceinture ?