La baisse des marchés boursiers décryptée en trois questions
Le repli prononcé des marchés est-il excessif ou non ? Les algorithmes ont-ils précipité la tendance baissière ? Et les ETF ? Explication des mécanismes en jeu.

En moins de trois semaines, les principaux indices boursiers américains et européens ont perdu plus de 20% sur fond de stress lié au coronavirus. Décryptage des mécanismes à l’œuvre derrière cette déflagration brutale.
La chute des marchés relève-t-elle d’une panique excessive, ou s’agit-il d’une correction inévitable ?
Il ne faut pas perdre de vue que la baisse intervient après un bond de plus de 25% sur les indices boursiers l’an dernier. Mais aussi après un cycle de dix ans de croissance ininterrompue de l’économie américaine. Les marchés actions sont tombés d’autant plus bas que les investisseurs, confiants dans un soutien pérenne des banques centrales, avaient enfilé leurs lunettes roses depuis l’accord commercial sino-américain signé mi-janvier.
En termes d’ampleur et de rapidité, la récente tempête boursière a de sombres airs de réminiscence des crises de la dette de 2011 en zone euro et des subprimes de 2008. Mais pour nombre d’experts, la correction semble assez cohérente étant donné que les anticipations de croissance des bénéfices des entreprises ont fortement diminué.
Quel est le rôle des algorithmes dans ces mouvements extrêmes ?
La majorité des transactions sont effectuées par des algorithmes, des formules mathématiques qui déclenchent des ordres de bourse avec souvent d’énormes volumes à la clé.
Les mouvements très prononcés ont été « sans doute accélérés par les tradings automatiques », observe Eric Bertrand, directeur adjoint des investissements chez OFI AM.
« L’automatisation de beaucoup d’ordres et de certains fonds crée des mouvements de marché extrêmement violents et cela peut aller dans les deux sens », explique aussi Alexandre Baradez, analyste à IG France.
« On est en train de franchir une frontière qui commence à être délicate où les algorithmes représentent plus de 50% du volume du marché », estime Eric Vanraes, gérant obligataire de la banque suisse Eric Sturdza. « Certains mouvements abrupts sont difficilement explicables par autre chose que le déclenchement d’un ordre automatique par un ordinateur ». Par exemple, « les algorithmes ont précipité la chute de l’or » la dernière séance de février.
Or, « un ordinateur n’a pas la trouille » lorsqu’il franchit froidement des paliers les uns à la suite des autres.
Selon lui, les marchés financiers doivent garder un comportement humain, avec une composante psychologique et émotionnelle puisqu’ils représentent « une activité humaine, avec des sentiments d’euphorie, de panique, etc… ». Car, « derrière les actions, il y a des entreprises dirigées par des êtres humains, comme dans les banques centrales et les gouvernements ».
Les ETF ont-ils également une responsabilité ?
Il est réducteur d’accuser uniquement les ETF, ces instruments répliquant la performance d’un panier de titres. Négociés à tout moment comme une action, ils facilitent une gestion transparente de portefeuilles à moindre coût en apportant une liquidité quotidienne. Ces instruments sont très utilisés en période de volatilité pour couper des positions ou rentrer dans un marché.
La dernière semaine de février, les volumes d’échanges ont certes été gigantesques, avec « un record de 1.400 milliards de dollars échangés sur les ETF dans le monde », selon Olivier Paquier, directeur Europe et Amérique latine de la distribution ETF chez JP Morgan AM.
« Mais on a tendance à sur-représenter les ETF, car en fait le volume d’échanges a représenté 3,3% sur l’ensemble des volumes traités sur le marché américain », nuance-t-il.
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« Les ETF ont peut-être participé par la liquidité qu’ils offrent » à l’amplification des mouvements, note Jean-Jacques Ohana, directeur général chargé de la gestion chez Homa Capital.
« A chaque fois qu’on a une baisse extrême, il faut la mettre en parallèle avec une hausse extrême, signe d’une bulle entretenue par les autorités monétaires dans le monde mais aussi par ces produits qui fournissent une illusion de liquidité mais qui ne le sont plus en cas de crise », explique-t-il.
Car le problème surgit quand les investisseurs veulent rappeler tous en même temps leurs investissements de manière précipitée : « dans un théâtre, l’entrée est fluide car tout le monde n’entre pas en même temps mais au moment de la sortie, il y a embouteillage ».