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Les Français économisent toujours plus et gonflent leur épargne

Sceptiques sur l'amélioration de leur pouvoir d'achat, les Français préfèrent miser sur l'épargne financière, dont l'assurance vie et le Livret A sont les symboles.

épargne salariale
Crédit: iStock.

Livret A, assurance vie ou encore comptes à vue, les Français ont massivement gonflé leurs coffres d’épargne depuis le début d’année, signe d’un climat incertain qui pousse nombre de ménages à privilégier les bas de laine plutôt que le shopping, selon les analystes. En juin, ce sont encore 2,4 milliards d’euros qui sont venus s’ajouter sur les comptes d’assurance vie, qui signe ainsi son sixième mois consécutif de collecte. Il faut remonter au mois de décembre 2018 pour trouver le dernier épisode de décollecte.

Le résultat de juin porte la collecte nette totale depuis le début d’année à 15 milliards d’euros. Ce faisant, le placement chouchou des épargnants français fait mieux que lors de la même période en 2018, durant laquelle il avait engrangé un peu moins de 12 milliards.

Et ailleurs, l’herbe n’apparaît pas moins verte : le Livret A et son petit frère le Livret de développement durable et solidaire, autres produits d’épargne très répandus en France, ont amassé sur les six premiers mois de l’année plus de 14 milliards d’euros (contre 10,8 mds un an plus tôt), en dépit d’une rémunération de 0,75% historiquement basse.

Quant aux comptes à vue, les dépôts ont grossi en en juin, avec une hausse de 10,4% après déjà un bond de 10,2% en mai 2019, portant l’encours d’argent sur ces supports à 1.086 milliards d’euros à fin juin, selon les derniers chiffres de la Banque de France.

Niveau record d’épargne

« La collecte globale atteint une sorte de record depuis la crise financière. On n’a jamais eu autant d’effort net d’épargne de la part des ménages, tous produits confondus depuis 2007 », souligne à l’AFP Alain Tourdjman, directeur d’études économiques au sein du goupe bancaire BPCE.

« On continue à avoir des incertitudes majeures sur le long terme en France, un peu moins sur le chômage, mais toujours autant, voire plus, sur les retraites, le niveau de vie à long terme, la façon dont pourront vivre les enfants ou les petits-enfants. C’est ça le support fondamental des comportements d’épargne en France », explique Alain Tourdjman.

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Paradoxe, depuis le début d’année, les Français ont notamment bénéficié de divers coups de pouce gouvernementaux annoncés au mois de décembre dernier par le président de la République Emmanuel Macron en réponse au mouvement des « gilets jaunes ».

Parmi ces mesures, l’élargissement et la revalorisation de la prime d’activité ou encore la baisse de la CSG sur les retraites modestes. Sous la pression du gouvernement, les banques françaises se sont par ailleurs engagées à geler leurs hausses de tarifs en 2019, et à plafonner les frais d’incidents pour les clients les plus fragiles.

Les ménages sceptiques

« On est entré dans une année où le pouvoir d’achat des ménages va flirter avec une croissance de 2,5% l’an », du jamais vu depuis 2006, affirme Alain Tourdjman. Pour autant, « les ménages n’anticipent pas et, d’une certaine manière, ne veulent pas accepter l’idée qu’ils vont véritablement bénéficier de ces gains de pouvoir d’achat. Ils sont encore très sceptiques sur le fait que ces mesures vont véritablement améliorer leur pouvoir d’achat », poursuit-il.

Conséquence, « il y a un mouvement général en faveur de l’épargne financière, dont l’assurance vie et le Livret A sont les symboles », abonde après de l’AFP Philippe Crevel, directeur du Cercle de l’épargne. Selon lui, « les Français restent confrontés à un climat anxiogène ». Or « dès qu’il y a des inquiétudes, principe de précaution, on met de l’argent de côté et dès qu’il y a un revenu un peu exceptionnel, les ménages ne le consomment pas intégralement », ajoute-t-il.

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Cet état d’esprit colore aussi les arbitrages des ménages vis-à-vis de leur épargne, comme en témoigne le ralentissement ces derniers mois des placements d’assurances vie en « unité de compte », potentiellement plus rémunérateurs car investis sur des titres plus risqués, au profit des placements dits en « euros », moins rémunérateurs mais aussi moins soumis au risque de perte.

En outre, « la population vieillit chaque année et on sait que l’épargne est réalisée avant tout par des personnes de plus de 50 ans. Plus il y a de personnes de plus de 50 ans, plus cela favorise le taux d’épargne qui était au premier trimestre de 15%, soit son plus haut niveau depuis la crise de 2008 », pointe Philippe Crevel.