Instauration au 1er janvier du malus sur le montant des retraites complémentaires : qui est concerné ? Comment y échapper ?

Les règles de versement des pensions de retraite complémentaire des 22 millions de salariés de l’industrie, du commerce et des services ou de l’agriculture vont être modifiées dès le début de l’année prochaine. Ce changement important, acté fin 2015 par les partenaires sociaux pour sauvegarder l’équilibre financier des régimes complémentaires, n’a rien à voir avec la prochaine refonte en profondeur de notre système de retraite à laquelle travaille actuellement Jean-Paul Delevoye, le Haut-Commissaire à la réforme des retraites. Il n’empêche : le malus ou « coefficient de solidarité » qui amputera de 10% le montant des retraites AGIRC-ARRCO durant 3 ans, va clairement pénaliser les futurs retraités*. Pour un cadre qui perçoit par exemple 1000€ par mois de retraite de base versée par la CNAV et 3000€ par mois de retraite complémentaire, le manque à gagner va être de 10800€ (300€ x 36 mois)! Il excite différentes stratégies pour l’éviter. Les voici.
Décaler votre départ d’un an
C’est la solution numéro un, et pour cause : c’est aussi la plus facile. Son principe consiste à ne pas partir en retraite à l’âge auquel vous atteindrez le taux plein, mais à partir 4 trimestres civils plus tard de façon à percevoir d’emblée 100% de vos pensions de retraite complémentaire (ce qui est le cas aujourd’hui pour tous les seniors…) et non 90% seulement durant 3 ans. Pour mémoire, le taux plein est une notion qui fait référence au régime de base (CNAV ou régime général pour les salariés du secteur privé…) et à la durée d’assurance vieillesse, ou nombre de trimestres retraite imposés à chaque génération par la réglementation : une personne née en 1957 doit par exemple réunir 166 trimestres si elle souhaite faire valoir ses droits retraite dès ses 62 ans (âge légal de départ actuellement en vigueur) sans subir de décote ou de minoration, mais une personne née en 1960 doit en réunir 167, et ainsi de suite. Pour décaler votre date de départ en retraite, vous pouvez, tout d’abord, travailler un an de plus, sans avoir à requérir l’aval de votre employeur : en effet, en dehors d’un licenciement ou d’une rupture conventionnelle en bonne et due forme, celui-ci ne peut pas vous mettre d’office en retraite si vous avez moins de 70 ans. Vous pouvez aussi travailler en levant un peu le pied, c’est à dire en adoptant un temps partiel ou mieux encore, en vous s’inscrivant dans un dispositif de retraite progressive. Vous pouvez enfin « consommer » intégralité des droits que vous avez accumulés sur un compte épargne temps… si vous avez la chance d’en avoir un!.
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Se mettre d’accord avec votre employeur
Seconde stratégie potentielle : obtenir de votre employeur une prime exceptionnelle dont le montant sera équivalent au malus que vous subirez au cours des 3 prochaines années. Cette démarche présente deux grands atouts. En premier, vous pourrez partir dès 62 ans, ou dès votre âge de taux plein si celui-ci intervient après, comme si de rien n’était. Autrement dit, vous pourrez profiter de votre retraite sans attendre. En second, votre employeur qui doit certes vous verser une prime, ne devra pas vous verser une année de salaire supplémentaire, charges comprises. Autrement dit, il va réaliser de belles économies!
Compenser par la suite le manque à gagner
A contrario des deux possibilités précédentes, vous pouvez choisir de partir dès votre âge légal, coûte que coûte, mais d’agir ultérieurement… Comment? En envisageant un cumul emploi-retraite qui va venir compenser le manque à gagner occasionné par le malus. Autrement dit, une fois retraité, vous allez devoir re-travailler! Une hypothèse moins absurde qu’elle n’en a l’air, surtout si vous souhaitez exercer différemment (en devenant consultant par exemple) ou faire valoir une autre de vos expertises.
Partir avec une décote
Cette stratégie s’adresse uniquement à ceux (et celles) qui sont arrivés tard sur le marché du travail et n’auront donc pas, à l’aune de l’âge légal, le nombre de trimestres suffisant pour un calcul de leur retraite à taux plein : vous êtes né(e) en 1958 par exemple, et savez d’ores et déjà qu’à 62 ans vous ne validerez que 165 trimestres au lieu des 167 nécessaires. Dans ce cas comment faire? Editez d’abord une Estimation indicative globale (EIG) du montant de vos retraites (sur le portail info-retraite.fr, via votre espace sécurisé). Evaluez ensuite la différence entre une retraite calculée avec une décote (2,50% pour 2 trimestres manquants pour la retraite de base) et un coefficient dit d’anticipation (2% pour la retraite complémentaire AGIRC-ARRCO) et une retraite qui pourra vous être versée plus tard, à taux plein, mais qui subira un malus de 10% durant 3 ans sur la part complémentaire. Enfin, comparez : s’il faut une vingtaine d’années pour que le manque à gagner annuel (du fait de pensions calculées avec des minorations pérennes) équivaille au malus, vous avez peut être intérêt à partir dès 62 ans car, même si cela n’est pas agréable à entendre, rien de ne laisse présager que vous vivrez au delà de vos 82 ans…
* à l’exception des personnes aux faibles ressources (revenu fiscal de référence mentionné inférieur à 11018€ par an pour une personne seule et à 16902€ par an pour un couple soumis à imposition commune) d’ores et déjà exonérées de CSG, des personnes qui demandent leurs pensions au titre d’un handicap, qui ont élevé un enfant handicapé ou qui ont été reconnues inaptes au travail.