Réforme des retraites : les 5 messages des Français au gouvernement
La réforme des retraites a perdu un chouïa de sa popularité, selon le dernier baromètre du Cercle de l’épargne. Sondage qui confirme, par ailleurs, que la tâche ne sera pas simple pour l’exécutif…

Malgré l’ampleur prise par la polémique sur l’âge de la retraite, la réforme poursuit son bonhomme de chemin, un an et demi après le lancement des travaux préparatoires. Cette semaine, le haut-commissaire Jean-Paul Delevoye rencontre ainsi les syndicats et le patronat pour discuter de sujets clés – les minimums de pension, les droits acquis pendant les périodes de chômage ou encore la question de la gouvernance du futur système universel à points. Ce qu’en pensent les citoyens ? Eléments de réponse dans le dernier baromètre « Les Français, l’épargne et la retraite », dévoilé ce mardi par le Cercle de l’épargne.
• Un soutien légèrement amoindri
Premier enseignement : l’idée de transformer le système de retraite, morcelé en une quarantaine de régimes, en un système universel, promesse de campagne d’Emmanuel Macron, demeure populaire. Seuls 18 % des sondés préféreraient conserver le système actuel. C’est peu, mais c’est un poil plus, tout de même, que l’an dernier : ils étaient alors 13 % à plébisciter le statu quo.
Rien de surprenant. Lors du sondage de début 2018, peu de détails avaient été divulgués sur la réforme. Depuis, on est entré dans le vif du sujet et des points précis ont été abordés – pensions de réversion, droits accordés aux parents, mécanisme de surcote pour ceux qui reportent leur départ, etc. « Plus les concertations avancent, plus les pistes sont dévoilées, et plus les oppositions se cristallisent », note Philippe Crevel, fondateur du Cercle de l’épargne.
• L’équité ? Oui mais…
Si la plupart des sondés sont donc pour une réforme, ils ne sont pas d’accord sur la nature précise du nouveau dispositif. Alors que 34 % se prononcent pour un système universel de retraite disons « tout court », 48 % sont favorables à un système universel « avec le maintien de certaines spécificités ». En clair, « ils sont d’accord avec le principe de l’équité, sans que leurs avantages ne soient remis en cause », ironise Philippe Crevel. Une schizophrénie dont les artisans de la réforme ont conscience et qui transforme leur tâche en un périlleux exercice d’équilibrisme…
Dans le détail, la catégorie se prononçant le plus massivement pour un système universel « tout court » est celle des indépendants (52 %), celles les moins enclines à soutenir l’universalité sans spécificités sont les salariés d’entreprises publiques (21 %) et les fonctionnaires (25 %).
• Les 62 ans, voire 60, plébiscités
Quid de la question sensible du moment, celle de l’âge minimal de la retraite, que le gouvernement avait promis de ne pas relever ? Les sondés sont peu nombreux à se dire en faveur d’un recul progressif (21 %). Ils se prononcent pour un maintien à 62 ans (38 %) mais surtout pour un retour aux 60 ans (41 %). Les personnes déjà retraitées sont les plus susceptibles de prôner un recul de l’âge (38 %), avec les professions libérales et cadres supérieurs (31 %).
• Des doutes sur la sincérité de l’exécutif
Les sondés croient-ils le président de la République quand il dit que l’objectif de la réforme est qu’un euro cotisé donne les mêmes droits pour tous ? Seulement un tiers (34 %). Ils sont 37 % à penser au contraire que la volonté derrière tout cela est de retarder l’âge effectif de départ (à noter que le sondage a été réalisé en février, avant que le gouvernement ne déclenche la polémique sur l’âge). Et 29 % à estimer que la réforme vise à réduire les pensions.
• Les partenaires sociaux aux manettes
A la question « qui doit gérer le futur régime universel ? », les sondés répondent « les partenaires sociaux », à 62 % et « l’Etat » à seulement 28 %. Ce sont surtout les salariés du privé, habitués à la gestion de leur retraite complémentaire Agirc-Arrco par les syndicats et le patronat, qui manifestent cette préférence (68 %). En revanche, les indépendants préféreraient une gestion étatique, à 56 %.
« On peut penser qu’aux yeux des sondés, les partenaires sociaux sont plus à même de maintenir les particularismes que l’Etat », commente Philippe Crevel. « Ce dernier paie en outre le sentiment de défiance à l’encontre de l’exécutif. »
Selon les pistes dévoilées par Jean-Paul Delevoye, on se dirigerait en réalité vers un système mixte : le nouveau système prendrait la forme d’un établissement public chapeauté par un conseil d’administration où siègeraient les partenaires sociaux, mais celui-ci partagerait le pouvoir avec l’Etat. La répartition précise des compétences n’ayant pas été dévoilée, la future gouvernance du système demeure toutefois floue.
Des retraités moins pessimistes
Outre ces cinq « messages » envoyés par les sondés au gouvernement, le baromètre 2019 du Cercle de l’épargne dresse un constat inattendu : les sondés sont plus optimistes que l’an dernier concernant le montant de leur pension ou future pension. Ils sont 31 % à estimer que leur retraite est ou sera suffisante pour vivre, contre 26 % début 2018.
Une évolution portée surtout par les retraités eux-mêmes, explique Philippe Crevel, ces derniers étant désormais 50 % à juger leur pension suffisante, soit 11 points de plus que l’an dernier. « Une partie des plus aisés semble avoir fini par digérer la hausse de la CSG, estime l’économiste, alors que d’autres, plus modestes, semblent avoir entendu les mesures annoncées par Emmanuel Macron » en décembre [l’ancien taux de CSG sur les pensions de 6,6 % ayant été rétabli pour une fraction des séniors, NDLR].