Retraite : la pension de réversion pourrait être menacée
Jugé obsolète face aux évolutions de la société, le système des pensions de réversion pourrait être profondément transformé à l’aune de la réforme des retraites.

La pension de réversion, désormais inadaptée à notre société ? La question se pose. Face aux évolutions de la société, le système de pension pourrait être repensé. C’est en tout cas ce que met en avant une publication récente de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV). La réflexion aboutit à la conclusion qu’une transformation est inévitable. Explications.
Quel est le principe de la pension de réversion ?
Le dispositif a été créé en 1945 afin de compenser l’absence de ressources du conjoint survivant en cas de veuvage. Il consiste à reverser au conjoint survivant une part de la retraite de droit propre du conjoint décédé. Dans le régime général, le taux de conversion est ainsi de 54%. Il peut être porté à 60% dans certaines conditions (majoration pour charge d’enfants notamment). Ce qui signifie donc que le conjoint survivant touche 54% de la pension de son époux décédé.
Des conditions existent pour avoir droit à une pension de réversion : être âgé d’au moins 55 ans, avoir été marié avec l’assuré décédé (pas de durée minimale à respecter) et disposer de ressources inférieures à un certain plafond. Soit au 1er janvier 2020, 21 112 euros annuels pour une personne seule et 33 779,20 euros pour un couple (cas d’une personne vivant de nouveau en couple après le décès de l’assuré). Toutes les ressources sont prises en compte, à l’exception de l’Allocation adulte handicapé et de l’Allocation de solidarité aux personnes âgées.
Où en est-on aujourd’hui ?
Fin 2017, 4,4 millions de personnes touchaient une pension de réversion. Soit près de 25% des retraités. Dans près de 9 cas sur 10, ce sont des femmes du fait de leur espérance de vie plus élevée. Mais aussi à cause des écarts d’âge avec leurs conjoints (les femmes sont en moyenne 2 à 3 ans plus jeunes que leurs époux). En moyenne, l’âge de perception se situe à 78 ans (chiffre 2016). Quant au montant mensuel moyen perçu, il s’élève à 691 euros pour les femmes et 334 euros pour les hommes. Ce qui représente la moitié de la pension perçue pour les femmes, contre 17% pour les hommes.
Au global, les pensions de réversion correspondent à 11% de l’ensemble des pensions versées en France, tous régimes confondus.
Pourquoi la pension de réversion est menacée ?
L’idée qu’il faut revoir le système n’est pas nouvelle, d’autant que d’autres pays en Europe l’ont fait. La Suède a radicalement ordonné la suppression des pensions de réversion. D’autres pays en ont durci les conditions d’accès. En France, la question de la réforme est de nouveau posée, et l’avenir des pensions de réversion est questionné par deux facteurs.
Premièrement, l’évolution de la société aura comme conséquence que les pensions de réversion telles qu’elles existent aujourd’hui couvriront une population de plus en plus restreinte. Comme le montre l’étude de la CNAV, à législation inchangée, et compte tenu des évolutions démographiques et comportementales, la part des femmes percevant une pension de réversion devrait baisser régulièrement jusqu’en 2070 : de 37% en 2016 à moins de 20% en 2070. Dès lors, le poids des pensions rapportées au PIB, passerait de 0,46% du PIB à 0,28% en 2070.
L’explication ? L’amélioration des carrières des femmes, l’allongement de la durée de vie, la diminution des écarts d’âge entre conjoints ainsi que la baisse du taux de mariage. Ces deux derniers points ont l’impact le plus fort.
La pertinence du maintien du système de pension de réversion est donc remise en cause. En clair, la pension de réversion repose aujourd’hui sur un modèle de couple marié et stable dans le temps, où le mari est le principal apporteur de ressources et la femme se consacre au foyer. Ils s’unissent au début de la vie active et partagent leurs retraites jusqu’à la mort du conjoint (le plus souvent l’époux). C’est évidemment de moins en moins le cas. Les générations nées au début du XXe siècle avaient un taux de nuptialité de 90% et un taux de divorce limité, tandis que les générations nées dans les années quatre-vingt ont plutôt un taux proche de 75% et un taux de divorce de 50%.
Deuxième facteur menaçant la pension de réversion : le projet de réforme des retraites (ajourné pour cause de Covid-19) qui prévoit de revoir le mécanisme. Une nouvelle logique serait mise en place : la réversion ne consisterait plus à reverser au conjoint survivant une partie des droits acquis par le conjoint décédé, mais à assurer au couple marié un niveau de vie face au risque de veuvage. Le montant versé garantirait au conjoint survivant un revenu égal à 70% des retraites totales du couple. Ce droit resterait ouvert uniquement aux couples mariés.
Un nouveau mode de calcul moins favorable
Problème : ce nouveau mode de calcul sera moins favorable qu’aujourd’hui pour nombre de retraités, en particulier les plus modestes. L’étude de la CNAV pointe ainsi que, selon certaines projections, les veuves des salariés du secteur privé appartenant aux couples ayant les pensions les plus élevées gagneront à la mise en place d’un dispositif de maintien du niveau de vie, au détriment d’une perte pour les veuves issues d’autres couples.
D’après les calculs de Marianne, le gain atteindrait 185 euros bruts par mois pour les retraités ayant un niveau de vie au-dessus de la moyenne. A contrario, pour les couples « moyens », dont les pensions des conjoints étaient proches, la perte s’élèverait à 200 euros par mois.
Combien de temps le système actuel peut-il perdurer tel quel ? Le rapport ne s’avance pas, mais rappelle opportunément que « la pension de réversion n’est pas qu’une pension accordée à des veuves âgées ayant peu de ressources, il s’agit par dessus tout du reflet d’une certaine représentation de la société ».