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La France devrait connaître une vague de licenciements et de faillites sans précédent

Des milliers de plans sociaux et de suppressions d’emplois sont redoutés à la rentrée, en raison de la plus forte récession depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.

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Dossier prud’hommes et licenciements

Le gouvernement injecte depuis le début de la crise du coronavirus des dizaines de milliards d’euros pour sauver l’économie tricolore. Pour Le Figaro, il ne pourra éviter l’inévitable, à savoir la multiplication des licenciements et plans sociaux dans les entreprises. Elles ne résisteront pas à la plus forte récession économique depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. « Il y aura des faillites et il y aura des licenciements dans les mois qui viennent », a prévenu le 22 mai Bruno Le Maire, le ministre de l’Économie et des Finances.

Toutefois, pour l’instant, il n’y a pas eu de vague de licenciements : seuls 53 plans de sauvegarde de l’emploi (PSE) ou plans sociaux ont été initié entre le 1er mars et le 17 mai, pour 2 853 suppressions de postes. Les PSE ou plans sociaux sont obligatoires dans les entreprises de 50 salariés minimum, à partir de 10 licenciements. Le nombre d’inscrits à Pôle emploi a progressé, de 7,1% en mars, mais cette augmentation s’explique par le non-renouvellement des contrats courts ou des reports d’embauche, explique le quotidien national.

La France est épargnée par les licenciements car l’économie était en pause pendant les deux mois de confinement et a été largement entretenue par l’État. Plus d’un million d’entreprises ont été aidées grâce au plan d’urgence de 110 milliards d’euros, dont le dispositif de chômage partiel. Des actions qui ont permis d’éviter « une vague massive de licenciements », estimait la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, fin avril. Mais l’avenir est incertain : les personnes en chômage partiel, dont la rémunération a été subventionnée par de l’argent public, soit un salarié sur trois dans le privé, risquent de perdre leur emploi maintenant que l’activité a repris.

Les avocats sollicités par les entreprises pour préparer les licenciements

Parmi les indicateurs de cette vague de licenciements annoncée, le recours aux avocats. « Dès le début du confinement, des entreprises m’ont sollicitée pour préparer des plans sociaux dans les secteurs les plus touchés, comme la restauration et l’hôtellerie », explique Isabelle Mathieu, avocate associée chez Daem Partners. De son côté, le président de la CPME confirme qu’ « il y aura des licenciements », mais François Asselin précise qu’ « on ne peut pas en connaître l’ampleur » aujourd’hui.

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Les prochaines semaines sont à redouter, après la diminution progressive du chômage partiel dans les secteurs qui ont pu redémarrer leur activité. « L’État va continuer de faire fonctionner le dispositif mais sans maintenir le niveau d’aides actuel. Le choc va donc être très fort sur les entreprises et sur les salariés », juge Raymond Soubie, président du cabinet de conseil en ressources humaines Alixio. Les employeurs vont devoir assumer les coûts des salaires et les charges de l’entreprise même si leur activité n’a pas repris normalement. Il est à craindre que les entreprises soient confrontées à « de véritables crises de liquidité » selon Hector Arroyo, du cabinet Baker McKenzie, « dans cette phase de redémarrage ».

Les plans de sauvegarde avaient bondi en 2008

Lors de la crise financière de 2008, les plans de sauvegarde étaient nombreux et s’étaient étendus sur près de 18 mois. Cette année, l’hécatombe est attendue en septembre. Les entreprises, déjà affaiblies par les grèves contre les réformes des retraites, et auparavant par la crise des gilets jaunes, vont avoir du mal à éviter les licenciements. Plusieurs enseignes d’habillement et de meubles ont été placées en redressement judiciaire (André, Naf Naf, Alinéa). Celles qui ont maintenu le cap grâce aux aides de l’État « attendent au minimum la rentrée avant de prendre la décision de licencier ou pas », estime Deborah David, avocate au cabinet De Gaulle Fleurance et associés.

Cependant, le gouvernement regardera avec attention les plans sociaux. « Depuis la loi El Khomri, les licenciements économiques sont plus souples », note l’avocate Isabelle Mathieu, mais pour les entreprises qui ont été aidées par l’État, elles « risquent de devoir sérieusement justifier leurs plans sociaux ». Le ministère du Travail dit travailler à de nouveaux dispositifs en amont des PSE pour limiter les licenciements.

L’accord de performance collective comme recours des entreprises

Pour maintenir l’emploi, certaines entreprises ont recours à l’accord de performance collective (APC). Il s’agit du « meilleur outil qui permet de s’adapter face à une crise conjoncturelle », précise Deborah David, avocate. Les APC sont prévus dans les ordonnances Pénicaud, ils offrent aux entreprises la possibilité de revoir temporairement les conditions de travail des salariés, notamment de descendre jusqu’au Smic. « Mais ça ne se passe jamais comme ça », affirme Olivier Angotti, avocat du cabinet FTMS. « On vient plutôt raboter des RTT et augmenter la durée du travail, ou faire travailler quelques jours fériés ».

La CFDT prévient : « le dialogue économique sera la clé sur les efforts à consentir pour le maintien de l’emploi, et il sera fondamental de connaître les intentions des employeurs », avertit la secrétaire générale adjointe du syndicat, Marylise Léon, qui ajoute que « les PSE doivent être le dernier recours ».