Travail : quel rapport y entretiennent les Français ?
Bien loin des idées reçues, les Français ne revendiquent pas de droit à la paresse. En effet, la durée annuelle du travail ne diminue plus depuis 2004.

Les Français seraient-ils trop flemmards au travail ? C’est ce que sous-entendent de nombreux débats ici et là, ces dernières semaines, alors que la réforme des retraites remet la question du rapport à l’emploi au centre. Pourtant, la situation réelle serait bien différente, au regard d’une étude réalisée par l’économiste Bertrand Martinot pour l’Institut Montaigne, relayée jeudi 2 février par Les Échos. Parmi les plus de 5.000 actifs sondés, 77 %, soit plus de trois quarts, s’estiment satisfaits de leur travail.
Des aspirations contrastées sur le temps de travail
Celui qui a rédigé l’étude se déclare « frappé de la permanence des trois principaux motifs générateurs d’insatisfaction : la rémunération, la reconnaissance du travail et les perspectives de carrière ». Deuxième motivation des travailleurs, le fait de « gagner de l’argent » dépasse le contact avec d’autres personnes. Mais les sondés sont 46 % à considérer leur niveau de rémunération insatisfaisant. Pas au point de revendiquer le « droit à la paresse » brandi par Sandrine Rousseau, à la suite de la crise du Covid. En effet, depuis 2004, la durée annuelle du travail ne diminue plus et les « horaires de bureau » ne concernent plus qu’une minorité de Français. Chez les cadres, les « horaires atypiques » ont nettement augmenté : dans le mois précédent l’enquête, 32 % d’entre eux ont travaillé au moins une fois le soir, et 20 % ont travaillé le dimanche.
Finalement, les aspirations en matière de temps de travail seraient « très contrastées ». Ainsi, 31 % des personnes interrogées souhaiteraient « travailler plus pour gagner plus », en particulier chez ceux qui gagnent le moins. A l’inverse, 15 % des sondés considèrent qu’ils pourraient « travailler moins pour gagner moins ». Mais le rejet majoritaire du recul à l’âge de départ en retraite « est sans doute davantage le fruit d’une crise politique plus générale qu’une manifestation d’un effondrement soudain de la ‘valeur travail’ », selon Bertrand Martinot.
La charge psychique a augmenté
Néanmoins, certaines évolutions ont modifié le rapport des Français au travail. En particulier au niveau de la « charge psychique », qui a fortement augmenté : 60 % des actifs estiment que leur charge de travail est plus importante sur les cinq dernières années, et 26 % d’entre eux considèrent que ladite charge est excessive. Cela serait surtout « lié à une intensification du travail ou à ses nouvelles formes d’organisation », selon l’étude. « Cette charge psychique est à mettre en relation directe avec le ressenti par rapport au management, beaucoup plus qu’avec d’autres variables souvent mises en avant comme la ‘perte de sens’ », analyse l’auteur auprès du média. Les méthodes de management relatives à la qualité de vie doivent ainsi être redessinées par les acteurs du monde du travail.
Le développement tous azimuts du télétravail rompt également avec le rapport au travail entretenu avant la pandémie de Covid-19 dans l’Hexagone. Ainsi, alors que 7,4 % des acteurs le pratiquaient au moins occasionnellement en 2017, ce chiffre est passé à 40 % fin 2022. De quoi cliver les esprits : 49 % des salariés sont insatisfaits du travail à distance, car ils ne peuvent pas le pratiquer autant qu’ils le voudraient, voire pas du tout. Il s’agit même d’un « motif de forte frustration » pour les 60 % ne pouvant y avoir recours, en majorité car leur profession ne le permet pas, explique l’Institut Montaigne. Ceux qui peuvent y avoir recours considèrent que cette pratique a une incidence positive sur la vie professionnelle et familiale, mais aussi sur l’autonomie et l’efficacité au travail.
Alors comment agir pour l’avenir ? Mesurer « l’ampleur de la question salariale » serait un bon début, mais il faudra également réfléchir à la reconversion professionnelle ou à la promotion sociale par le travail. En effet, 60 % des sondés ont déjà imaginé se reconvertir, et 55 % des salariés veulent évoluer vers un poste différent dans leur entreprise. L’emploi des seniors, lui aussi, sera un enjeu dans les années à venir.