Règlementation bancaire : quelles sont les mesures qui doivent s’appliquer en 2022 ?
L’Union européenne entame les négociations liées à la transposition de l'accord signé à Bâle fin 2017. Il est très décrié par les banques.

Les États de l’Union européenne se préparent à négocier ces prochains mois la transposition d’un paquet de nouvelles règles bancaires, fruit d’un accord international signé fin 2017 et très décrié depuis par les banques.
Ces règles sont issues du cadre de « Bâle III », vaste éventail de réformes engagées à l’échelon mondial après la crise financière de 2008-2009 et dont le dernier volet a fait l’objet d’un accord obtenu de haute lutte entre les négociateurs internationaux fin 2017. Quelles sont les principales mesures prévues?
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L' »output floor » de la discorde
C’est probablement la mesure la plus contestée. Elle concerne les méthodes d’évaluation des risques par les banques.
Dans le monde bancaire actuel, deux formules existent en la matière. La méthode dite « standard », très utilisée par les banques américaines, et la méthode dite des « modèles internes », davantage utilisée par les européennes. Pour chaque titre financier détenu par une banque, celle-ci doit détenir un certain volume de capital en réserve pour faire face à d’éventuelles turbulences économiques.
Dans le cadre de la méthode dite « standard », le risque d’un crédit accordé par exemple à une PME, et donc le volume de capitaux prudentiels à mettre en réserve, est défini de la même façon qu’il soit fait par la banque A, B ou C. Cette méthode a l’avantage d’être simple, mais ne prend pas véritablement en compte la diversité des risques et des modèles économiques des banques.
À l’inverse, les banques qui appliquent la méthode des « modèles internes » attribuent à chaque crédit un niveau de risque qui leur est propre. Une banque A, B ou C pourra donc affecter une note de risque différente à un même crédit aux PME.
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Pour simplifier, la méthode des modèles internes permet donc à une banque de réduire le volume de capital à mettre en réserve en calculant plus finement le risque.
Or le plancher en capital (« output floor ») introduit par le Comité de Bâle limite la possibilité offerte aux banques d’optimiser leurs besoins en capitaux par rapport aux approches standard.
En pratique, le résultat d’un calcul de risque obtenu via un modèle interne ne peut descendre en dessous de 72,5% du résultat obtenu via la méthode « standard », stipule l’accord.
Révision des modèles
L’accord porte également sur certaines dispositions très techniques liées aux méthodes de calcul des risques elles-mêmes.
Combien faut-il de fonds propres pour couvrir correctement le risque pris par la banque lorsqu’elle octroie des prêts? Quels types de provisions les banques doivent-elles constituer face aux conséquences de possibles fraudes internes, de procédures de conformité défaillantes ou encore de pannes informatiques?
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L’accord apporte des modifications en vue de réduire les différences non justifiées entre modèles internes et méthode standard. Le cas échéant, il supprime aussi l’autorisation d’utiliser les modèles internes pour certains types de risques opérationnels, ces modèles s’étant avérés trop peu robustes en la matière.
Mise en œuvre progressive jusqu’en 2027
Les nouvelles règles s’appliqueront à partir de 2022 et le plancher en capital augmentera progressivement de 50% en 2022 pour n’atteindre le niveau de 70% qu’en 2026, et de 72,5% qu’en 2027.
« Ces délais permettent que les augmentations éventuelles des exigences en capital puissent être couvertes dans la durée par des mises en réserve « normales » de résultats, sans nécessiter pour aucune banque française d’augmentation de capital dédiée », affirme la Banque de France sur son site internet.
Quelles conséquences?
Cette question est au cœur d’une intense bataille de lobbying des banques européennes ces derniers mois.
Selon une estimation réalisée début 2019 par l’Autorité bancaire européenne, les établissements européens pourraient devoir lever pas moins de 135 milliards d’euros d’ici 2027 pour se mettre en conformité.
Une récente étude commandée par la Fédération bancaire européenne situe quant à elle le besoin total en capital supplémentaire entre 300 et 400 milliards d’euros.
De son côté, la Banque de France estime que ce accord « ne nécessitera aucune banque française d’augmentation de capital dédiée ».