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Qui est responsable en cas d’accident de ski ?

Chaque année, les sports de glisse génèrent entre 130 000 et 140 000 accidents traumatiques en moyenne. Certains sont malheureusement mortels. Pour que le ski reste un plaisir, il faut garder en tête ce risque, respecter les consignes de sécurité et adapter son comportement. Cela commence par réduire sa vitesse, pour soi et pour les autres.

passoires thermiques
Crédit : iStock.

Toute personne est responsable du dommage qu’elle cause par sa faute, sa négligence ou même son imprudence (articles 1240 et 1241 du Code civil). Le skieur qui dévale une piste sans adapter sa vitesse pour éviter les personnes présentes sera condamné en cas de collision. Plus les blessures provoquées sont graves et plus l’indemnisation sera lourde. Sans compter que les conséquences peuvent être dramatiques (décès, début 2022, d’une fillette de 5 ans, percutée par un homme de 39 ans allant très vite), d’autant que c’est sur les pistes bleues, accessibles aux non avertis, qu’ont lieu la plupart des collisions.

Les juges vont analyser chaque situation en détails pour déterminer qui est responsable. Ils considèrent que tout skieur doit maîtriser sa vitesse et l’adapter à ses capacités, aux conditions du terrain et à la densité de circulation sur les pistes. Généralement, ils estiment que le skieur situé en amont a une position dominante, qui lui permet le choix d’un itinéraire, et que le skieur situé en aval est en principe prioritaire (Cour de cassation du 8 juillet 2010, n°09-14557). Ce dernier n’est pourtant pas toujours hors de cause. En effet, selon les circonstances, les responsabilités peuvent être partagées (voir ci-dessous).

Par ailleurs, les juges condamnent parfois sur la simple réalité du choc plutôt que sur le comportement fautif, beaucoup plus difficile à démontrer. Ils considèrent ainsi que le responsable de l’accident est condamnable en tant que « gardien » de ses skis (article 1242 alinéa 1 du Code civil).

La victime d’un accident doit prouver le défaut de sécurité

La commune ou l’exploitant de la station a une obligation de sécurité à l’égard des usagers. Sa responsabilité pourra être engagée dès lors qu’il n’a pas mis en place tous les moyens nécessaires pour ce faire (article 1231-1 du Code civil). C’est le cas s’il y a une plaque de verglas sur une piste fréquentée par des skieurs peu expérimentés et que la commune n’a pas pris les mesures de protection de manière à éviter un accident prévisible (Cour de cassation du 3 juillet 2013, n°12-14216) ; ou si un endroit particulièrement dangereux du fait de la présence d’un torrent situé en contrebas n’est pas équipé d’un filet de protection pour parer aux sorties de piste prévisibles (Cour de cassation du 17 février 2011, n°09-71880) ; ou encore si un piquet métallique n’est pas matelassé à un endroit où la piste est rétrécie (Cour de cassation du 11 mars 2010, n°09-13197).

La victime devra prouver que la piste présentait un danger d’un caractère anormal ou excessif, ou que les dispositifs de balisage, de signalisation, d’information et de protection n’ont pas été mis en œuvre (Cour d’appel de Toulouse du 27 avril 2015, n°14/01765). Les attestations de personnes présentes lors de l’accident et des secouristes seront donc primordiales. Si, en revanche, la signalisation est jugée suffisante et que l’accident est intervenu en raison de l’attitude irresponsable du skieur aucune indemnisation ne sera due.

La responsabilité des organisateurs est engagée sauf preuve contraire

Lorsque l’accident survient dans le cadre d’un cours de ski, la victime, ou ses parents si elle est mineure, peuvent rechercher la responsabilité du moniteur ainsi que de l’école qui l’emploie. Les juges considèrent qu’ils ont une obligation de moyens pour assurer la sécurité des élèves. Ils vont donc déterminer, dans chaque cas, si des fautes d’encadrement, d’imprudence ou de négligence ont été commises (Cour de cassation du 10 février 2022, n°20-19357) et éventuellement tenir compte des fautes commises par la victime (voir ci-dessous).

La responsabilité des clubs de vacances, qui incluent dans le prix du séjour des cours de ski, est retenue de plein droit en cas d’accident pendant un cours (article L211-16 du Code du tourisme). Ils ne peuvent s’en exonérer qu’en prouvant la faute de la victime, le fait imprévisible et insurmontable d’un tiers ou encore la force majeure. Par conséquent, la femme partie en club qui se casse la jambe lors d’un cours inclus dans le séjour peut demander réparation à ce dernier (Cour de cassation du 17 novembre 2011, n°10-23905). De même, un club peut être condamné à indemniser la femme et les enfants d’un homme décédé lors d’un cours hors-piste pour skieurs chevronnés (Cour de cassation du 16 octobre 2013, n°12-17909). A l’inverse, si un enfant cause un dommage à un tiers durant le cours, les parents restent civilement responsables (article 1242 du Code civil).

La faute de la victime peut être prise en considération

Le comportement de la victime peut parfois être considéré comme fautif et amoindrir l’indemnisation qui pourrait lui être due, voire l’exclure totalement. Par exemple, s’il y a non-respect des consignes données par la station ou les moniteurs : pistes fermées (Cour de cassation du 1er juin 2011, n°10-15384), ski hors-piste (Cour d’appel de Chambéry du 5 novembre 2015, n°14/02889), absence de ralentissement malgré une signalisation l’exigeant (Cour de cassation du 3 mai 2006, n°03-20786), mineur qui désobéit et sort du parcours défini pour aller « faire des bosses » en bord de piste (Cour d’appel de Montpellier du 10 septembre 2013, n°12/03542).

La victime pourra aussi être jugée fautive si son comportement est soudain : par exemple un surfeur qui descend une piste à vive allure et change de direction brusquement, empêchant ainsi le skieur situé en amont d’anticiper (Cour de cassation du 8 juillet 2010, n°09-14557) ; ou une femme qui traverse une piste rouge de gauche vers la droite et s’arrête pour ramasser le bâton perdu d’un enfant (Cour d’appel de Poitiers du 3 décembre 2014, n°14/00235).

Peines de prison et amendes pour les accidents graves

La plupart du temps, le responsable est condamné civilement à réparer le préjudice de la victime par des dommages et intérêts (généralement pris en charge par son assurance). Mais il peut également être condamné pénalement si l’accident est grave : pour homicide involontaire, atteinte involontaire à l’intégrité physique ou mise en danger d’autrui. Il encourt jusqu’à cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende. Parmi les nombreuses sanctions prononcées : deux surfeurs de 23 et 24 ans condamnés à quatre mois de prison avec sursis pour avoir déclenché, en allant hors-piste, une avalanche ayant causé la mort d’une fillette de douze ans ; un skieur de 21 ans ayant écopé de cinq mois de prison avec sursis pour avoir gravement blessé une femme de 40 ans en dévalant une piste à une vitesse excessive ; un adolescent de 16 ans condamné à un an de prison avec sursis pour avoir tué un enfant de 7 ans en le percutant violemment sur une piste bleue car il allait en ligne droite et à vive allure.

Au-delà de ces condamnations, chacun doit prendre conscience des risques réels qu’il peut courir ou faire courir aux autres et dont il portera la responsabilité morale indéfiniment.