Frais dentaires, lunettes… Ce qu’il faut savoir sur le reste à charge zéro en vigueur au 1er janvier
Vos lunettes ou votre appareil dentaire ne vous coûteront bientôt plus rien ! Une révolution qui s’appliquera à compter du 1er janvier 2020. Pour bien en comprendre l’impact, nous avons démêlé le vrai du faux.

Vous en avez certainement déjà entendu parler : le reste à charge zéro (RAC 0) va prendre de l’ampleur. Jusqu’à présent, le premier palier de cette réforme, dite « 100 % santé », n’a concerné que les prothèses auditives. Depuis janvier dernier, un prix de vente maximal de 1 300 euros avait été fixé pour une partie des appareils et de meilleurs remboursements, instaurés, avec un gain moyen de 100 euros par oreille pour les assurés, selon le ministère de la Santé.
A partir du 1er janvier prochain, c’est au tour de l’optique et du dentaire d’entrer en piste avec l’apparition des paniers de soins 100 % remboursés. Tous les contrats, quel que soit le niveau de leurs garanties, en proposeront. Concrètement, vous n’aurez rien à débourser pour vos lunettes ou votre couronne dentaire. En contrepartie, les équipements accessibles seront strictement définis et leurs prix, plafonnés.
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Cette réforme ambitieuse, annoncée par Emmanuel Macron lors de sa campagne à l’élection présidentielle, va coûter un milliard d’euros, financé aux trois-quarts par l’Assurance maladie et pour le reste par les organismes de complémentaire santé. Résultat : l’impact économique ne sera pas neutre et il faut bel et bien s’attendre à une hausse des cotisations. Mais, et c’est une bonne nouvelle, à la fin de 2020 au plus tard, vous disposerez d’une marge de manoeuvre plus large pour négocier les tarifs avec votre assureur. A cette date, en effet, vous pourrez résilier à tout moment et facilement votre contrat santé pour en souscrire un autre ailleurs, moins cher (ou plus adapté à vos besoins). Une liberté qui va bousculer le marché !
Tout le monde aura accès au zéro reste à charge ?
VRAI.Le but principal de la réforme est de combattre le renoncement à certains soins coûteux peu ou pas pris en charge par l’Assurance maladie et les complémentaires. Une enquête de l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé (Irdes, enquête santé et protection sociale 2014), publiée en 2017 et sur laquelle le Gouvernement s’est appuyé, montrait ainsi qu’un quart des personnes interrogées s’étaient déjà abstenues de se soigner pour des raisons financières.
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La seule exigence pour bénéficier de la prise en charge totale des frais du 100 % santé est d’être couvert par une complémentaire santé « responsable », individuelle ou collective. En pratique, ce type de contrat représente la quasi-totalité des assurances du marché. Sont aussi concernées les personnes ayant droit à la complémentaire santé solidaire, qui remplace depuis le 1er novembre la CMU-C (couverture maladie universelle complémentaire) et l’ACS (aide à l’acquisition d’une complémentaire santé). In fine, tous les assurés auront accès au dispositif.
Il sera possible de mixer une monture à prix libre avec des verres entièrement remboursés ?
VRAI.A partir du 1er janvier, quand vous changerez de lunettes, votre opticien vous proposera deux types d’équipements. Le premier fait partie du tout nouveau panier du 100 % santé optique. On parle aussi d’équipements de classe A, sans aucun reste à charge. Leur particularité ? Ils répondent à des normes techniques précises, avec un prix maximal de 30 euros pour la monture et des tarifs plafonds pour les verres, en fonction des corrections. Ces derniers varient de 32,50 à 117,50 euros par verre unifocal, et de 75 à 170 euros par verre progressif, traitements compris (amincissement, antireflet, antirayures).
Le second (ou équipements de classe B) conserve des prix libres. Mais vous aurez la possibilité de le mixer avec des équipements de classe A. Et vice-versa. Par exemple, vous souhaitez une monture de classe B plus tendance ou siglée d’une marque. Vous pourrez parfaitement la combiner avec des verres de classe A. La monture vous sera remboursée en fonction du forfait prévu dans votre contrat, dans la limite cependant de 100 euros tous les deux ans (contre 150 euros jusqu’à présent). Quant aux verres, ils seront pris en charge à 100 %.
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La fréquence de renouvellement des lunettes, elle, ne change pas : tous les deux ans pour les plus de 16 ans, sauf évolution notable de la vue ou pour certaines pathologies. Pour les lentilles correctrices, ce sont les plafonds de remboursement de votre contrat, et eux seuls, qui continuent de prévaloir.
Les implants dentaires seront pris en charge en totalité ?
FAUX. Comme pour l’optique, les paniers en matière dentaire sont strictement définis. Dès le 1er janvier, vous aurez le choix entre trois catégories. La première est celle du 100 % santé dentaire. Très technique, elle prend intégralement en charge les couronnes mais, selon la localisation de la dent à soigner et/ou le matériau utilisé, les prix plafonds diffèrent.
Vous aurez ainsi droit à une couronne métallique sans frais quel que soit l’emplacement de la dent pour 290 euros au maximum ; à une couronne céramo-métallique pour les seules dents dites du sourire (incisives, canines) et les premières prémolaires pour 500 euros au maximum ; ou encore à une couronne en zircone – le matériau le plus esthétique actuellement – pour les dents du sourire et toutes les prémolaires pour 440 euros au maximum.
Autres équipements 100 % remboursés : les bridges céramo-métalliques pour les incisives s’ils ne dépassent pas 1 465 euros et les bridges entièrement métalliques pour toutes les autres dents (avec un plafond de 870 euros). Dans un an, c’est-à-dire à partir du 1er janvier 2021, vous pourrez bénéficier en plus de prothèses amovibles (dentier en résine) sans aucun reste à charge.
La seconde catégorie est celle des paniers à tarifs maîtrisés. Pour les équipements qui les intègrent, le prix est encadré afin de limiter la dépense des patients. Si, par exemple, vous souhaitez faire poser une couronne céramo-métallique sur une molaire (et non une couronne métallique telle que prévue dans le panier du 100 % santé), elle ne pourra pas vous être facturée plus de 550 euros (uniquement dans le cadre de ce panier). Le remboursement n’étant pas intégral, selon les garanties de votre contrat, vous devrez régler une certaine somme de votre poche.
Enfin, la troisième catégorie concerne les équipements à tarifs libres : elle englobe tous les types de prothèses, et notamment les implants ou encore l’orthodontie après 16 ans non pris en charge par l’Assurance maladie. Seul un remboursement de votre assureur santé permettra, comme cela est le cas jusqu’à présent, de faire baisser la facture.
Il faudra équiper les deux oreilles pour avoir droit au 100 % santé sur les prothèses ?
FAUX. L’offre sans reste à charge vaut pour chaque oreille indépendamment, mais le renouvellement est limité à une prothèse tous les quatre ans (sauf si elle est hors d’usage, irréparable ou inadaptée et a été délivrée depuis au moins deux ans). Attention au timing, cependant. Contrairement à ce qui vaut pour l’optique et le dentaire, le remboursement intégral ne sera effectif que le 1er janvier 2021.
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Pour autant, la réforme est déjà sur les rails. Depuis le 1er janvier 2019, le prix des équipements a été plafonné et leur base de remboursement, revalorisée en parallèle par la Sécurité sociale. Les aides auditives concernées sont celles de catégorie I : contour d’oreille classique, contour à écouteur déporté ou prothèse intra-auriculaire comportant au moins douze canaux de réglage, et intégrant au moins trois options (système anti-acouphène, réducteur de bruit du vent, connectivité sans fil…), ainsi que des garanties (trente jours d’essai, suivi gratuit effectué par le professionnel au minimum deux fois par an…).
Pour les aides auditives de catégorie II, qui sont en dehors du panier 100 % santé, les prix restent libres. Selon le réseau de soins Santéclair, ils représentent 70 % des appareils commercialisés. En 2021, les contrats responsables les couvriront à hauteur de 1 700 euros au maximum par oreille. Sans surprise, comme aujourd’hui, compte tenu des forfaits de prise en charge accordés par les complémentaires santé, y compris par les plus généreuses, si vous choisissez cette catégorie, vous en serez de votre poche.
Les professionnels feront le forcing sur les paniers intégralement pris en charge
FAUX.Côté médecins, la réforme prévoit que ces derniers pourront sensibiliser leurs patients lors des consultations à l’existence des paniers 100 % santé, l’objectif étant d’éviter un renoncement à des soins faute de budget. Côté opticiens, chirurgiens-dentistes et audioprothésistes, la loi impose la mise à disposition des équipements 100 % santé tels que définis par le législateur. Les opticiens devront ainsi proposer dans leur magasin, dans le cadre des paniers 100 % remboursés, dix-sept modèles de montures en deux coloris pour les adultes (dix pour les enfants en deux coloris également).
Mais vous aurez le choix : opter ou non pour ces équipements. Pour ce faire, les professionnels devront vous présenter un devis normalisé, plus clair et indiquant les différentes offres thérapeutiques. Les modalités de ce devis ont été fixées par la réglementation (ceux des audioprothésistes et des opticiens sont, par exemple, respectivement consignés à l’annexe I et II de l’arrêté du 29 août 2019). En parallèle, les mutuelles se sont engagées (il n’y a pas de contraintes) à faire un effort de clarté sur les remboursements (voir encadré).
Les nouveaux équipements « gratuits » seront de bonne qualité ?
FAUX/ VRAI. Difficile à dire ! En effet, contraints de négocier avec les pouvoirs publics et les assureurs santé durant de longs mois, certains syndicats de professionnels de santé ont « pu semer le doute », estime Yves Poquet, directeur technique et produits à la Macif. Ils ont ainsi distillé l’idée que les équipements du 100 % santé pourraient être de moins bonne facture, voire problématiques pour la santé, comme les prothèses dentaires comportant du métal.
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Pour rassurer leurs adhérents, les assureurs pourraient donc, encore plus qu’avant, les inciter à se diriger vers les professionnels référencés par le réseau de soins avec lequel ils travaillent (Carte Blanche Partenaires, Kalivia, Santéclair…) afin de garantir « des équipements sans reste à charge qui soient de qualité, avec une vraie traçabilité des matériaux », pointe Nathalie Thool, directrice technique santé et prévoyance chez Allianz. Une manière de dire que, dans ce cas, ils seraient mieux servis : par exemple, en bénéficiant de verres de marque européenne en optique.
D’une manière générale, des trois offres 100 % santé, les équipements audio semblent être les plus haut de gamme, ceux pour lesquels « la qualité est réellement au rendez-vous », avance Christophe Lafond, vice-président de la MGEN.
Les assurés disposant de contrats d’entrée de gamme seront les grands gagnants ?
VRAI. Même si les offres sans reste à charge cohabitent avec tous les niveaux de garanties, la réforme va davantage impacter les formules « ticket modérateur » ou d’entrée de gamme, aux tarifs les moins élevés. Pourquoi ? « Parce qu’elles ont dû être rehaussées au niveau du 100 % santé, ce qui n’est pas le cas pour les autres formules, déjà plus couvrantes. La marche à monter a donc été plus haute », précise Nathalie Thool.
Les personnes qui disposent aujourd’hui de ce type de contrat vont donc bénéficier demain, sur les trois postes de soins du 100 % santé, de garanties jusqu’alors inexistantes pour elles. C’est une avancée majeure. Stéphane Mary, directeur technique santé prévoyance chez Generali France, fait d’ailleurs remarquer « que le marché s’attend, pour ce niveau de garanties, à un fort recours aux équipements des paniers 100 % santé ».
Pour les autres, l’impact sera moindre. La majorité des assureurs que nous avons interrogés a décidé de ne pas transformer leurs contrats en changeant les garanties, mais « de se mettre en conformité avec la réglementation en ajoutant les paniers sans reste à charge à leur offre », indique Pascale Soyeux, directrice santé et prévoyance chez Covéa. C’est le cas chez Allianz, Aviva, Axa France, GMF, Macif, Maaf, MGEN, la Mutuelle Générale, Pacifica ou encore Swiss Life. Concrètement, un assuré ayant souscrit une formule milieu ou haut de gamme pourra opter ou non au sein de son contrat pour le panier 100 % soins. Mais il n’aura pas forcément intérêt à le faire, car avec ce type de formule il a déjà accès, en principe, à des niveaux de remboursement plus élevés.
A la marge, certains assureurs, tel Axa, ont choisi de créer en parallèle une nouvelle gamme à l’attention des prospects : elle intègre, elle aussi, les offres 100 % santé.
Les cotisations vont (fortement) augmenter ?
VRAI. Cest à craindre, hélas !, puisque les assureurs sont obligés de prendre en charge la part des offres 100 % santé pour laquelle la Sécurité sociale n’intervient pas. Ils seront forcément plus sollicités qu’aujourd’hui, ce qui risque de se traduire par des hausses de cotisations plus importantes que celles des années précédentes.
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Certains les justifient par la nécessité d’anticiper de possibles effets d’aubaine de la part des assurés, tout en arguant que « plus de garanties et moins de prix, personne ne sait faire ». Pour mémoire, les organismes complémentaires (mutuelles, institutions de prévoyance et sociétés d’assurances) financent à hauteur de 13,2 % la consommation de soins et de biens médicaux en France, d’après l’étude Les Dépenses de santé en 2017 de la Drees (la Sécurité sociale, 77,8 %).
Consciente de cet effet potentiellement désastreux sur la réforme, la ministre des Solidarités et de la Santé, Agnès Buzyn, a rappelé tout le monde à l’ordre il y a quelques mois. Conséquence : en 2020, certains assureurs ont annoncé qu’ils maintiendraient les revalorisations des tarifs à des niveaux comparables à ceux des années passées, soit de 3 à 5 % en moyenne chez Axa, hors augmentation « naturelle » du risque liée à l’avancée en âge, par exemple.
D’autres les canaliseront, le temps d’analyser le comportement de leurs assurés (les taux de recours aux offres 100 % santé), et donc les coûts additionnels qu’ils supporteront. C’est le parti pris de la MGEN qui s’engage à ne répercuter que l’évolution des dépenses de santé en 2020, soit entre 0,5 et 2 % de plus sur le taux de cotisation appliqué aux revenus des adhérents. D’autres, enfin, comme la Maaf ou la Macif, ont décidé de neutraliser toute augmentation, hors celle liée à l’effet âge (1).
Mais ce « répit » ne sera probablement que de courte durée. ll y a fort à parier que la situation évoluera lorsque la réforme sera entièrement entrée en vigueur, avec la prise en charge totale des aides auditives 100 % santé en 2021. En effet, « cet équipement sans reste à charge pourrait être plus fortement consommé que les autres », selon Pierre François, directeur général de Swiss Life. Les hausses, jusque-là contenues ou mises en attente selon les stratégies des uns et des autres, seront alors pleinement appliquées.
(1) Certains organismes complémentaires n’ont pas répondu à nos demandes concernant leurs prévisions de hausses tarifaires de leurs contrats. C’est le cas d’Aviva, de la Mutuelle Générale ou de Swiss Life.